J'habite une île (15/09/2011)

J'habite une île. À titre précaire. Le bail peut être dénoncé à tout instant. Je veux dire que même si je suis l'occupante légale de mon minuscule potager, je ne m'en sens pas propriétaire. Parce que je connais de près la fragilité de la vie, je préfère penser que chaque jour passé sur ce bout de terre est un cadeau inestimable, mais qu'il peut m'être enlevé sans crier gare. Un potager se mérite, il ne faut pas le quitter, ni des yeux ni des mains. J'y apprends le temps. J'y apprends quelque chose qui touche à l'essentiel de la vie. J'ai, grâce à ce jardin, des joies modestes (quand ça veut bien pousser) et des frustrations bien vexantes. Car je n'ai pas la main verte. Dans cet espace clos mais ouvert sur la magie de la nature, je fournis un travail auquel les résultats ne rendent pas justice. Oui, mais ! La feuille de roquette dans la batavia, les tomates mûres à point, les cosmos anarchiques, les soucis oranges... Mon jardin n'est pas à proprement parler un jardin nourricier, trop petit, trop mal conduit. Mes mains inexpérimentées apprennent la patience et mon regard l'observation. Je partage ma maigre production avec les mulots, les oiseaux et d'autres bestioles plus ou moins sympathiques. Je n'ai pas la main verte, mais je jardine sérieusement (trop ?). Je lis des livres, bien sûr, je prends des notes, je suis une élève appliquée. Pour l'essentiel, ce jardinet de "curé athée" m'amène à penser autrement la nourriture, par l'appréciation du goût incomparable des légumes et fruits frais. C'est peu, je sais. Mais d'où vient que je me suis prise au jeu, que me courber sur cette terre caillouteuse me donne le sentiment d'habiter sur une île, d'y être chez moi, et oserais-je dire, protégée. De quoi ? Je ne sais pas. Mais un jardin est un abri, en même temps qu'il nous remet en pleine vie. Au coeur de la vie. Le jardin apaise l'humeur, donne le goût de vie autrement, et mieux.

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