La bibliothèque orange (08/12/2011)

Mon interlocutrice s'étonne que je ne connaisse pas la bibliothèque Orange. Mais c'est très connu, dit-elle, depuis très longtemps. C'est mondial. Ma mère déjà en faisait partie. C'est très simple. On paye une cotisation, et régulièrement on se réunit pour faire circuler les livres et pour en parler. Il y a des groupes dans beaucoup de villes. C'est la bibliothèque Orange. Non, je ne connais pas. Je m'émerveille une nouvelle fois de constater l'écart entre le monde visible (celui que je connais, en gros) et le monde invisible (celui que je ne connais pas). Bien sûr, je ne suis pas naïve, je sais bien que le monde invisible est sans commune mesure avec le monde visible. D'un côté, l'océan, de l'autre côté un dé à coudre. La bibliothèque Orange fait partie de l'océan. Dans le dé à coudre, il y a mes maigres connaissances, mes petites idées sur le monde comme il va, pas grand chose. Ce matin, la bibliothèque Orange est passée dans le dé à coudre. Attention au trop plein !

J'imagine ces dames (ce sont toujours des dames), se réunissant chez l'une ou chez l'autre, boissons fraîches, thé, biscuits secs, et les piles de livres devant elles sur la table de la salle à manger. Elles sont pleines de bonne volonté. Elles aiment lire. Entre elles, ces piles de livres, inépuisables, comme les bonheurs de la lecture. Elles ont des vies bien remplies, elles travaillent, prennent les transports en commun, ou leur voiture, font le ménage le matin avant de partir, les courses en rentrant le soir. Elles ne sont pas très jeunes. Elles sont courageuses. Le lien ténu mais solide de la lecture les réunit. Elles savent que demain, elles déposeront un livre chez une telle, ou après-demain. Elles se téléphonent. Ne deviennent pas pour autant des amies intimes. Non, c'est autre chose. Le système est souple, peu contraignant. Tout repose sur la bonne volonté, et tout le monde est plein de bonne volonté. Pas de livres qui se perdent. Et après, après que vous les avez lus, que deviennent-ils ? Oh, je crois qu'on les envoie, en Afrique, en Roumanie, c'est pour soutenir la langue française.

La somme indiquée pour la cotisation me paraît trop faible pour alimenter des achats conséquents. Donc la bibliothèque Orange fonctionne obligatoirement avec des moyens supplémentaires. Je voudrais comprendre l'organisation, complètement. Je m'étonne qu'une structure relativement élaborée puisse fonctionner depuis des décennies uniquement sur la base du volontariat. Il faut que je me renseigne.

Je me suis renseignée. J'ai lu ce qu'ont écrit de doctes sociologues sur la question. La sociabilité des livres et la communauté des lecteurs. Les cotisations. Des dames de la bonne société. Elles n'aiment pas les textes osés. Le système les oblige à lire, c'est les personnes interrogées qui le disent. Il y a encore, dans certaines couches de la société, cette idée que lire est bien. Je dois m'en réjouir. Je ne m'en réjouis pas complètement. La bonne société et la morale, je n'aime pas. C'est définitif.

 

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