Froid (10/02/2012)

Ces froids intenses, inhabituels, nous procurent des sensations nouvelles. Les sensations physiques n'ont rien d'inattendues. Il faut se couvrir, béret, bonnet, écharpe, manteau, doudoune, enfin tout ce que l'on a en réserve dans nos placards. Ces autres sensations, difficiles à cerner, encore plus difficile à exprimer, comment dire... On se sent différent, avec le sentiment de vivre un moment très particulier, un moment dont on se souviendra. On pourra dire, plus tard, "c'était l'année où il a fait si froid", "l'année où la rivière charriait des glaçons", "l'année où les canalisations ont éclaté". Et pour vivre cette année-ci, où nous grelottons, surveillant le niveau du fioul dans la cuve, le tas de bois dans le jardin ou le compteur d'électricité, il nous faut puiser profondément en nous-mêmes les ressources nécessaires pour surmonter ce moment plutôt rare. Ordinairement, nous bénéficions de températures plus clémentes. Nous avions oublié l'onglée, les gerçures, les engelures peut-être. Les gants sont trop fins, le manteau laisser entrer l'air glacial. Sortie hier matin avant que le soleil ne se montre, je ressens tout ce qui m'entoure de manière nouvelle. Les bruits assourdis par la neige. Le léger déséquilibre de ma marche sur le sol verglacé. Les chants d'oiseaux ressemblent plus à des plaintes qu'à des chants (mais je crois que j'interprète...). La sensation douloureuse de l'onglée, que les gants ne soulagent pas. Tout un monde de sensations me parvient avec acuité. Je constate que les arbres sont encore couverts de neige, malgré le vent (ils attendent encore la neige, disait-on dans mon enfance). J'observe le pas un peu chancelant du vieux jardinier (mais pourquoi sort-il, de ce temps de démon ?). Peut-être pour les mêmes raisons que moi : pour éprouver toutes ces sensations rares que procure le froid intense. L'air qui pique le nez, la douce chaleur produite par le corps en marche. Le sentiment aussi d'être quasiment seule sur la route. Si peu de monde dehors. On dirait que ce froid de loup ne va jamais cesser. On a oublié que dans quelques semaines doit arriver le printemps. Est-ce possible ?

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