Souvenir (15/11/2012)

Lisant les premières pages de "14" de Jean Echenoz, où il évoque la distribution des uniformes, me revient subitement un souvenir anodin, de ce genre de souvenir sans importance mais pourquoi s'en souvient-on ? Mystère ! J'ai porté dans ma petite enfance une pèlerine taillée dans une ancienne capote militaire ayant appartenu à mon père. J'ai eu sur le dos, pendant quelques années, un peu de tissu rescapé de la grande guerre, de la boue des tranchées et des éclats d'obus. C'était un tissu très serré, drap de laine un peu raide, qui protégeait bien du froid, mais long à sécher après la pluie ou la neige. Cette petite pèlerine à capuche que je portais sans accorder la moindre importance à son origine en raison de mon âge, taillée et cousue par ma sœur aux doigts d'or, devenue avec le temps comme un lien personnel entre une petite fille en galoches et la première guerre mondiale, dont mon père parlait souvent, pèlerine qui n'existe plus que dans mon fragile souvenir mais par laquelle j'ai effleuré un fragment d'histoire et qui a marqué mon inconscient. Il y avait sans doute eu les commentaires proférés à voix haute par les adultes, mon père, ma mère, ma sœur si habile couturière, capable de sauver ce qu'il fallait de tissu pour me confectionner un vêtement dans une capote qui, après avoir connu les tranchées, avait encore dû être utilisée par mon père, d'où ses commentaires, et expliquant sans doute la permanence dans ma mémoire de cet épisode insignifiant.

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