Le vieux jardinier (13/05/2013)

Du nouveau dans ma rue : le vieux jardinier a raccroché. Son jardin est déjà couvert de mauvaises herbes, de ces plantes hautes, vertes et très envahissantes. Je vois ce vieux monsieur qui circule dans sa petite auto couleur sable. À quoi songe-t-il en passant devant la grille désormais fermée ? Tous les humains sont confrontés à ça : vieillir et perdre. Le jardinier a dû renoncer. Il faisait pousser des courges énormes, en grande quantité, 30 courges oranges, ça impressionne. Des tomates, des pommes de terre, des salades. Rien d'autre. Mais ce "rien d'autre" révélait des renoncements antérieurs. L'an dernier, déjà, il n'y avait pas salades, peu de pommes de terre, et il n'avait pas soigné à temps ses tomates malades. J'imagine un jardin magnifique, il y a dix ans, et peu à peu le corps flanche. Ça se passe toujours comme ça. Je le vois aller et venir, visiter ses connaissances de la rue, pour un café, un apéro, un brin de causette. Je me souviens de ce vieux monsieur, à l'arrêt du bus, répondant à un voisin qui lui demandait de ses nouvelles : "je tue le temps avant qu'il me tue". J'en avais eu presque les larmes aux yeux. Comment faire pour ne pas laisser le désarroi envahir une existence devenue inutile. Inutile selon les critères habituels, fondés sur la capacité à agir, en bien ou en mal, peu importe d'ailleurs. Mais le vieux jardinier n'exprime pas de tristesse. Il a simplement dit que sa santé ne lui permettait plus de cultiver son lopin de terre. Sans doute s'était-il préparé depuis longtemps à cette fin d'activité. Il continue à aller voir ses amis, à acheter le pain et le journal, et nous salue d'un sourire. Je ne sais rien de lui, mais il ressemble à un sage.

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