Une vie (14/10/2013)

Chaque semaine, elle découpait dans son journal pour dames les recettes de cuisine, salé, sucré, et les déposait dans un tiroir. Plus jeune, au temps où personne n'aurait osé massacrer un journal quel qu'il soit, elle passait beaucoup de temps à recopier celles qu'elle préférait dans un grand cahier à couverture toilée. C'était une activité secrète, ignorée de son entourage. Plus tard vinrent s'ajouter les recettes détaillées par les grands chefs à la télévision ou à la radio. Vite, un crayon et un papier à portée de main pour noter les paroles des maîtres. Puis à l'heure des repas, avalait dans la solitude de sa cuisine des repas vite faits, ou des plats achetés tout prêts à l'épicerie voisine. La lecture des recettes, le recopiage, c'était une activité quasi quotidienne, reposante, un refuge, une histoire personnelle, et sans doute l'expression d'un fantasme, ou de regrets. Pas seulement : ceux qui ont dégusté une ratatouille ou un gâteau de foies de volailles chez elle le savent. Mais les centaines de recettes enfermées dans ses tiroirs ont gardé son secret. On peut supposer que cette quête relevait d'une insatiable curiosité, qui autorisait ce patient découpage/recopiage/collage. On ne peut que supposer. Était-ce la seule raison ?

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