Julienne (12/11/2013)

Fin des années 40, à peu près. Nous étions toujours nombreux à table. Les soirs d'hiver, une vieille femme qui vivait seule dans une maison délabrée, se présentait à la porte, sans rien dire. Ma mère la faisait entrer. "Dites, Julienne, vous prendrez bien une assiette de soupe avec nous ?" Julienne s'asseyait sur une chaise à elle réservée, en raison de la puanteur qui s'échappait de ses frusques. Dans mon souvenir, elle restait silencieuse, et repartait, réconfortée, dès son morceau de tomme avalé. Il fallait aérer après son départ, et descendre la chaise malodorante au sous-sol. Mais jamais ma mère ne lui aurait refusé ce maigre secours d'une soupe chaude en hiver, quel que soit le prix à payer pour la famille.

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