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30/07/2013

La couverture de Marie Janona

Il y avait autrefois une vieille femme qui brodait chaque jour en gardant son troupeau, quelques chèvres et pas plus de moutons. Elle utilisait des petits bouts de drap de laine, ces échantillons que les commerçants utilisaient autrefois pour passer leurs commandes, et qu'elle récupérait, sans doute grâce aux bonnes relations qu'elle entretenait avec la patronne des galeries farfouilletes du coin. Sur chaque bout de drap sombre (pas de fantaisie colorée dans ce genre d"article), elle brodait, sans dessin préalable, ce qu'elle avait sous les yeux, les fleurs des champs. Elle assemblait ensuite les morceaux au point d'épine, et peu à peu ce patchwork paysan devenait une couverture merveilleuse. Comment ces mains, déformées par les travaux des champs, pouvaient-elles être capables de tant de délicatesse ? Chaque fleur reconnaissable, exactement représentées. Elle n'emportait dans les champs que quelques aiguillées, connaissant à l'avance les couleurs dont elle aurait besoin. Pendant toute la belle saison, cette brodeuse solitaire savourait ce plaisir inouï, cette fantaisie créative, quelques heures volées au travail impitoyable de la ferme. La couverture a sans doute disparu, mitée, abîmée, car les choses que j'évoque remontent à plusieurs décennies. Marie Janona était pourtant assez fière de sa couverture et donnait les noms de chaque fleur représentée. Il y avait en elle une grande adresse manuelle et un sens aigu de l'observation. Mais son activité de brodeuse était peu connue dans son village. En tout cas, personne ne m'en a jamais parlé, ni de son vivant, ni après sa mort.

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