Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26/11/2011

Objets

Ils sont silencieux et abandonnés, à tout jamais. L’écho du passé, de plus en plus faible. Résonance, comme un soupir, à peine achevé. Que la mémoire, puissante organisatrice de l’histoire, par ellipses et tours de passe-passe, me renvoie. Tendre l’oreille. Ranger. Mais toujours ce désordre. La survivance, presque inaudible, ne se laisse pas enfermer.

22/11/2011

La femme aux bottes

Elle traverse le village dix fois par jour, voire plus. Elle marche, légèrement penchée en avant, chaussée de bottes de caoutchouc qui paraissent trop grandes. Elle porte une blouse de travail sur ses vêtements, et un gilet, quel que soit le temps..

Elle marche toujours à la même vitesse, le visage baissé. D'un geste furtif mais ferme, elle fauche les géraniums le long du mur devant l'église et secoue le rosier des voisins absents. Elle est d'une vieille famille du pays. Son mari, ancien mineur, est mort de la silicose. Ses enfants, son fils surtout, veille sur elle, et vient régulièrement faire les courses avec elle. Elle perd la tête, tout le monde le sait ici. On l'a vue jeter des pierres sur la route, ou bien se taper sur les fesses d'un geste assez grossier au passage d'une voiture. Je m'efforce de la saluer quand je la rencontre, mais elle est indifférente à mon salut. Elle a oublié qui je suis, elle a oublié que ma sœur aurait, si elle était en vie, le même âge qu'elle, 84 ans, elle a oublié qu'à 24 ans, elle a tressé des guirlandes de fleurs des champs pour orner le cercueil de son amie, avec les autres jeunes filles du village. Cette grande absence au monde me trouble. Dans le village, on dit qu'elle est méchante. Je ne crois pas qu'elle soit méchante, elle est seulement perdue. Son agressivité est bénigne. Le cantonnier balaie les fleurs amochées, les employés de la DDE enlèvent les cailloux quand il y en a trop, mais personne n'intervient. Nous pensons tous qu'un jour, la situation s'aggravera, et qu'il faudra mettre fin à sa déambulation innocente, pour la protéger. Mais la protéger de quoi ? Je me demande si elle pense encore à sa mère, celle qui brodait les fleurs des prés sur des échantillons de lainage, qu'elle assemblait ensuite au point de chausson. À son père, qui a eu le tétanos, et que mon père veillait à l'hôpital, en maintenant ses membres tordus par les convulsions de la maladie. À sa tante, vieille originale qui disait à ma mère, sur un ton prophétique : "Madame, nous vivons un monde nouveau !" et qui vivait dans la solitude d'un hameau, dernière habitante du lieu.

Christine vit dans un monde où elle n'a plus sa place, et elle nous le dit, à chaque pas de ses bottes d'homme, les bras croisés dans le dos, immuablement.

10/11/2011

Encore une histoire de tombe...

Aucun nom sur la stèle grise. Au fronton, on peut lire "Famille L...". Rien d'autre. Les morts inhumés dans cette tombe familiale ne sont pas nommés. Personne ne s'est préoccupé de faire graver par le marbrier leurs noms, prénoms, dates de naissance et de mort. Mais posée au pied de la stèle, une ardoise gravée d'un nom rompt cet anonymat. Sauf que celui dont le nom figure sur l'ardoise... n'a pas été enterré dans cette tombe. Il a été incinéré, cendres envolées. Mais un de ses héritiers est venu dans ce cimetière poser cette ardoise, presque en cachette, pour avoir un lieu où se recueillir. Ceux qui reposent là sont anonymes, celui qui est nommé n'y est pas. 

17/10/2011

Vision

Apparition de conte de fée : le visage d’une petite fille dans une voiture. Derrière la vitre. Visage rond, souriant, aux traits fins, auréolé d’une chevelure tout en boucles blondes/rousses. Image indélébile. Presque une vision.