Porcelaine

 

Il devait y avoir, dans mon autrefois personnel, rangées dans le buffet, une ou deux douzaines de tasses à déjeuner comme celles-ci. Des assiettes plates et creuses, quelques plats de service. En porcelaine de Haviland, ce qui n'était pas rien dans notre univers assez sévère. Pour quelles raisons ce beau service était-il arrivé chez nous ? Achat ou cadeau princier, je ne sais pas... Les quelques pièces conservées sont rarement utilisées, mais mon frère aîné ne prenait son café du matin que dans une de ces tasses, et j'ai gardé son habitude lorsque je passe quelque temps dans ma maison natale. Peu à peu, même si épargné par le lave-vaisselle, le motif de fleurs s'efface sur les tasses les plus utilisées. J'aime leur forme, leur poids, leur épaisseur. Je n'ai jamais retrouvé des pièces de ce service, dans les brocantes ou chez les antiquaires, modèle oublié d'une grande firme porcelainière. Mais tous mes souvenirs de repas de fêtes familiales (peu nombreux) sont liés à cette porcelaine. 

J'ai "tuitant"

J'ai "tuitant" disait la vieille dame qui ne voulait pas avouer son âge. Et ma vieille tante déclarait au médecin avoir 78 ans, alors qu'elle en avait 87. Oh ! je n'ai qu'inversé les chiffres, racontait-elle ensuite en riant? On peut raconter ce qu'on veut, un beau jour l'âge est là, arrivé sournoisement. C'est le corps qui dit notre âge, pas notre esprit. Celui-ci se croit toujours alerte, jeune, porté vers l'avenir. Alors que l'esprit croit encore à l'aventure de la vie, le corps renâcle. Le tandem fonctionne mal. Il y a du tirage dans ce vieux couple désormais mal assorti. Il faut pourtant impérativement s'adapter à la nouvelle donne, sans en accepter tout à fait les limites. Cela pourrait être un jeu entre soi et soi, pour maintenir l'équilibre entre ce que l'on veut et ce que l'on peut. La force de la jeunesse est de vouloir tout tenter et de le pouvoir. La force de la vieillesse est de savoir que vouloir est encore plus nécessaire que pouvoir. 

Juin si vert

Profusion de juin : feuilles, herbes, fleurs. Le vert envahit tout, désespérance du jardinier. Le carré désherbé la veille est à nouveau envahit le lendemain, comme par magie. Il ne faudrait jamais tourné le dos à son jardin... Que de vitalité ! C'est un peu exaspérant, et aussi tellement plaisant. La nature ne nous fait jamais défaut, et prospère, avec nous quand il s'agit de notre bien, souvent contre nous qui ne pouvons lutter contre des forces plus puissantes que nous. Dans un mois, le vert se sera assombri, éteint, quasiment. Même l'herbe aura perdu de son exubérance. Juin ressemble aux miniatures du moyen-âge, où tout l'espace de la feuille ou du parchemin est rempli de formes et de couleurs. Le moindre interstice entre les pierres, dans le macadam, chaque lézarde dans les vieux murs semble être l'asile choisi par une multitude de plantes avides de croïtre. On peut se désoler de ces envahissantes. Ou se réjouir. La main de l'homme, pourtant si puissante, est quelquefois inopérante et ne contrôle pas tout. C'est rassurant pour l'avenir. 

Fenêtre