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18/01/2012

Le coquetier

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Le plaisir des oeufs à la coque dégustés dans l'enfance est associé dans mon souvenir à des circonstances particulières : petites maladies, convalescence dans les cas plus sérieux, ou gourmandises d'une petite fête, ou ce qui était pour nous les enfants une petite fête, et n'était que le signe d'une défaite culinaire ce soir là. Car dans ma mémoire (infidèle) on ne mangeait les oeufs à la coque que le soir, accompagnés bien sûr de merveilleuses mouillettes beurrées. C'est un des rares plats (il n'y en a peut-être pas d'autre) qui s'accompagnait d'un cérémonial immuable. Le nombre de mouillettes,    la quantité de beurre sur le pain, l'organisation de tout ça, coquetier, oeuf et mouillettes sur l'assiette à fleurs.  Des nombreux coquetiers en porcelaine blanche, seuls 3 ou 4 ont résisté à nos mains maladroites et aux vaisselles remuantes.  

17/01/2012

L'oubli, la mémoire

Il y a tout ce qu'on oublie, au fur et à mesure que les jours passent. Je ne peux dire lesquelles puisque justement je les oublie. Mais je sais bien que la diversité dont les jours sont emplis disparait purement et simplement. Il faudrait vraiment écrire tous les matins la journée d'hier. Non, chaque soir, plutôt. Avant que la nuit ait tout effacé. Les minuscules faits du quotidien, qui ne sont pas des événements. La vie s'effiloche ainsi, de gestes ménagers anodins (que de vaisselles, de pliages de linge, de lavages des sols…), de repas à préparer et enfin préparés et mangés, de livres feuilletés, lus peut-être, d'images ingurgitées sur l'écran de la télévision, de conversations convenues ou parfois sincères. La journée est passée, la strate de ce jour a recouvert celle du jour précédent, mais on ne fait jamais de coupe transversale pour en lire le récit. Surnagent quelques faits marquants, inhabituels, rares. Très rares. Une mort (heureusement rare), un mariage, une naissance, un voyage, un achat très spécial. Mais même cela devient imprécis. Oui, la mort d'untel, c'était en telle année, non, peut-être pas, on ne sait plus vraiment, était-ce avant ou après celle de la cousine, allez savoir, c'est vrai, comme le temps passe, il semble que c'était hier. Oui, mais même hier est déjà fondu dans une brume sans odeur. Ne reste qu'une impression générale, sur laquelle on ne s'interroge pas : on se souvient vaguement que la semaine a été chaude. Ou bien que des manifestations ont perturbé les transports en commun. Ou bien que la fin du mois a été particulièrement difficile, et on ne s'en souvient que parce que le mois nouveau commence avec un déficit digne du budget national, vu de la petite cuisine repeinte en jaune trop vif, fatigant à la longue, mais quand on a choisi sur l'échantillon, on ne s'est pas rendu compte. La cuisine jaune, la photo de la cousine, le sol lustré à grand peine, que voulez vous que l'on fasse de cette vie anodine, tout a glissé sur nos mains fatiguées, on ne s'est pas rendu compte. À force, la vie ne gagne pas en intensité, loin s'en faut. J'ai lu un jour qu'un vieux sage chinois conseillait, il y a quelques siècles de cela, de modifier de temps en temps l'organisation de l'espace privé pour réveiller le regard. Les objets aimés gagnent à être déplacés, ils prennent une nouvelle vie, on les regarde différemment. Une lumière inattendue les entoure, et nos yeux redécouvrent une céramique un peu oubliée, devenue par la grâce d'un changement pourtant mineur, presque merveilleuse. Mais la céramique brillante d'un nettoyage nécessaire ne montre pas seulement ses flancs colorés. Je me souviens qu'elle m'a été offerte pas une amie de longue date. Je me souviens que nous étions réunis pour un noël, aucun de nous n'avait d'enfant, on se faisait des cadeaux peu coûteux, le menu était simplissime, mais le plaisir d'être ensemble et de recevoir qui une poterie qui un livre, je le ressens encore en manipulant ma céramique rouge et verte, posée depuis des années sur une étagère par ailleurs bourrée de livres. Aujourd'hui, je lui ai trouvé un nouveau domicile, et à nouveau je la regarde, et à nouveau je repense à ces années heureuses, avant que les morts et les accidents de la vie nous abiment. J'ai extirpé de la brume inodore de la vie ce souvenir anodin, mais qui colore ma journée. Ma vie d'aujourd'hui est faite de ce substrat dont je ne vois que la surface, et encore ! une toute petite part de la surface. La vie est comme cette peinture contemplée hier. Une infinité de couches disparues qui donnent à la fin densité et profondeur au tableau. Le peintre seul sait que les couches enfouies sont indispensables. Le peintre n'a pas oublié le substrat du tableau. Faire comme le peintre, vivre avec assez d'intensité pour ne pas oublier le fond des choses. Aiguiser son regard sur soi-même et les autres, sur les paysages, les lumières, les saisons. Ne pas oublier les colères, ni les amours. Ne pas laisser la grisaille du quotidien recouvrir les émotions. J'entends un merle chanter son bonheur de vivre sur le toit (enfin, c'est l'image que j'en ai, un merle peut-il être "heureux" ?), il faut que je sois consciente de ce fait pour qu'il donne à ma journée une coloration particulière. Chante, mon merle, tu me fais du bien, parce que je t'ai entendu.

15/01/2012

Lire

Lire me rend heureuse. Réfléchir me rend heureuse. M'apaise. Non que le niveau de mes réflexions soit élévé (c'est même plutôt le contraire qui est vrai. J'ai un esprit très terre à terre), mais me concentrer sur un livre (lire toujours un peu plus difficile que ce l'on pense être capable de comprendre, dit Michel Serres), chaque jour, est une source profonde de mieux être. Pas de "bien-être". Mais de mieux être. Un petit quelque chose qui change en moi, quasi imperceptible. Pour que je perçoive quelque chose d'aussi ténu, il faut que je marque un temps d'arrêt. Que je note, en quelques mots, ce sur quoi mon esprit a achoppé, compréhension en un éclair de ce qui jusque là m'échappait, ou restait de moi inconnu, ou au contraire incompréhension quasi totale d'une situation, d'une idée, d'un développement de pensée presque complètement nouveau pour moi. Le travail qui se fait en moi, je ne sais pas le décrire vraiment. Mais indéniablement, il se passe quelque chose que je pourrais qualifier de mouvement. Ce n'est pas une errance sans but, décourageante et fatigante. C'est un vagabondage, une liberté, où se révèlent à chaque pas des pans du monde, tel que nous l'habitons. Un peu comme une lumière.  

14/01/2012

Déménagement

À chaque déménagement, une perte, plus ou moins importante. Ont ainsi disparu de mon environnement des livres, des ustensiles culinaires, un tableau, des vêtements. Les cartons vidés pliés jetés, comment des objets peuvent-ils disparaître ? Vaines recherches dans ce qui a été rangé, nouveau fouillis dans ce qui a déjà été fouillé 3 fois au moins. Reste cette évidence : déménagement = perte. Mais au fond, la perte n'a rien à voir avec le déménagement lui-même. Ce sont mes incohérences personnelles qui provoquent ce mini-chaos autour de moi.