Les brouillards de la mémoire (2)

Dialogue infructueux

"C"est-y vot'temps ?" demande un vieux monsieur au visage émacié à la vieille dame, à l'arrêt du bus. Hésitation dans la réponse. Il réitère sa question "c'est-y vot'temps ?". Pas mieux. L'expression locale est inconnue de la vieille dame. Mais oui, le temps est clair, et on se sent beaucoup mieux dans cette lumière nouvelle, malgré le vent glacial. Il suffit de répondre "Oui, tout à fait". Comprenne qui pourra pourquoi on dit "c'est-y vot'temps?" pour manifester le plaisir du soleil revenu... Il paraît que l'expression tend à disparaître.

Entendues, volées, petites phrases

Le pain, c'est comme la vie. Tôt ou tard, ça devient dur.

Le bonheur, peut-être, c'est aujourd'hui.

Avant-printemps

Les premiers frémissements du printemps se devinent un peu partout. Jonquilles et pommiers du Japon en boutons, bourgeons de saule d'un vert jaune très délicat. Premières  pousses un peu rousses sur les rosiers, les pivoines... Les dernières roses de Noël font grise mine à côté des pâquerettes pleines de vigueur. Et déjà les violettes, cachées au ras du sol. Même le persil reverdit à côté du céleri perpétuel et des premières touffes de fenouil odorant. Quelques jours de soleil font croire que le printemps est imminent. Il l'est, c'est sûr, mais il faut attendre encore un peu pour voir le vert si tendre et fragile des arbres, et encore plus pour profiter vraiment d'une douceur nouvelle. Le vent froid (ah ! c'est cette bise !, dit la vieille dame) ralentit l'ardeur des jardiniers, et c'est tant mieux. Trop de hâte nuit aux jardins, c'est bien connu.