30/07/2013
La couverture de Marie Janona
Il y avait autrefois une vieille femme qui brodait chaque jour en gardant son troupeau, quelques chèvres et pas plus de moutons. Elle utilisait des petits bouts de drap de laine, ces échantillons que les commerçants utilisaient autrefois pour passer leurs commandes, et qu'elle récupérait, sans doute grâce aux bonnes relations qu'elle entretenait avec la patronne des galeries farfouilletes du coin. Sur chaque bout de drap sombre (pas de fantaisie colorée dans ce genre d"article), elle brodait, sans dessin préalable, ce qu'elle avait sous les yeux, les fleurs des champs. Elle assemblait ensuite les morceaux au point d'épine, et peu à peu ce patchwork paysan devenait une couverture merveilleuse. Comment ces mains, déformées par les travaux des champs, pouvaient-elles être capables de tant de délicatesse ? Chaque fleur reconnaissable, exactement représentées. Elle n'emportait dans les champs que quelques aiguillées, connaissant à l'avance les couleurs dont elle aurait besoin. Pendant toute la belle saison, cette brodeuse solitaire savourait ce plaisir inouï, cette fantaisie créative, quelques heures volées au travail impitoyable de la ferme. La couverture a sans doute disparu, mitée, abîmée, car les choses que j'évoque remontent à plusieurs décennies. Marie Janona était pourtant assez fière de sa couverture et donnait les noms de chaque fleur représentée. Il y avait en elle une grande adresse manuelle et un sens aigu de l'observation. Mais son activité de brodeuse était peu connue dans son village. En tout cas, personne ne m'en a jamais parlé, ni de son vivant, ni après sa mort.
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29/07/2013
Jardinier
Le jardinier a des problèmes : entre les envahissantes, les mauvais compagnonnages, la lune, les jours feuilles, les jours racines, les ravageurs, il navigue à vue. Oui, mais ce jardinier a la vue basse...
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28/07/2013
Les gens
La vie est tout de même une étrange affaire... Tous ces gens qu'on a connus, disparus maintenant, oubliés aussi. Ou plutôt perdus de vue. Des noms reviennent, à certains moments, sans que l'on sache pour quelles raisons ils reviennent à la mémoire, justement aujourd'hui. Des noms plus que des visages, ou l'inverse. Rarement les deux à la fois. Copines de lycée, quelques rares professeurs, des gens aimés, admirés, détestés, des amis qui se sont éloignés, ou dont je me suis éloignée, mais étaient-ils vraiment des amis ? Il me semble qu'il y a dans la mémoire de chacun de nous des cohortes de gens qui à un moment ou à un autre, ont marqué la vie, la mienne, la vôtre, mais qui ne sont plus que des fantômes mémoriels (est-ce le terme exact ? Je ne crois pas, mais fantômes, oui, ils le sont devenus). Ils furent d'un temps, temps qui ne dura pas, avant de disparaître.
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26/07/2013
L'été
Les pluies franches de l'été naissent d'orages insensés, où tout est raffut : le vent dans les arbres, le tonnerre sans repos, le crépitement de l'eau sur les feuilles et les toits. Ciel noir, avec ça et là des ouvertures étroites de bleu, brèves clartés surprenantes. La terre s'ouvre avec bonheur à cette eau presque inespérée après des semaines chaudes et très sèches.
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