09/04/2015
La cabine téléphonique
Zélie Luc tenait la cabine téléphonique (dans ce village, au moins 11 vieilles dames s'appelaient Zélie) poste important. Dans ce temps d'avant l'automatique, le téléphone coûte cher, on l'utilise de façon parcimonieuse. La cabine transmet les appels aux quelques abonnés, de 8 heures à 12 heures, et de 14 heures à 18 heures. En dehors de ces heures, c'est notre téléphone qui assure le lien avec le monde, nous sommes "reliés". Mais Zélie Luc a un jardin, des poules, et ne peut rester en permanence devant son "standard". Et puis brancher la fiche est un geste à ses yeux un peu inutile. Nos appels sonnent souvent dans le vide, et ma mère cherche alors un enfant disponible pour courir chez Zélie lui rappeler son devoir de téléphoniste. Zélie tête en l'air ou peut-être pas très bien intentionnée à notre égard ? Le doute est permis. Elle est surtout très curieuse et écoute les conversations, se trahissant parfois par une toux mal contrôlée ou même en intervenant, sans le vouloir vraiment, et puis on est entre nous, on se connaît, non ? L'entendre dicter un télégramme était un moment de bonheur : Béatrice Odile Nestor deux fois, Élise plus loin Anatole Noémie deux fois Élise deux fois, c'est-à-dire "bonne année"... Tout cela n'est pas si lointain. Un peu plus de soixante ans, à peu près. Un jour, Zélie n'a plus rien eu à faire ni à écouter. L'automatique était arrivé dans notre campagne. Les télégrammes, dont nous faisions grand usage, ont disparu aussi, comme a disparu notre mini central téléphonique, explosé par la foudre un soir d'orage. Ce n'est pourtant pas la foudre qui l'a fait disparaître. Je sais très bien quelles mains se sont emparées subrepticement de ce bel objet d'un autre temps...
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05/04/2015
Chemin de croix
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04/04/2015
Le froid
Toujours froid aux pieds, dans ces printemps maussades d'autrefois. Nous, les enfants, étions si mal chaussés. Nous ne manquions pas de l'essentiel, en ces difficiles années d'après-guerre, grâce à l'ingéniosité de ma sœur aînée, si adroite pour transformer en vêtements plutôt coquets les vieilles pelures familiales et restes de coupons d'avant-guerre. Mais pour les chaussures, elle ne pouvait rien.
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02/04/2015
Semaine sainte
Chaque année me reviennent les mêmes souvenirs... L'église était toujours glaciale au moment de Pâques. Les prières le long du chemin de croix (14 ou 15 stations, je ne sais plus), étaient "dirigées" par ma vieille grand-tante. Une petite troupe de femmes et d'enfants contraints (qu'est-ce qu'on aurait été bien dehors !) passaient de station en station, faisant grincer les prie-Dieu sur les dalles. Devant chacune, ma grand-tante annonçait "Jésus tombe pour la première fois" ou "Jésus dit à Pierre....". Elle récitait, et nous avec elle, des notre père et des je vous salue marie. C'était un moment hors du temps, hors de la vie normale. Les voix enrouées par le froid, les toux de fatigue ou de problèmes pulmonaires. Je me souviendrai toujours de cette atmosphère glacée, des raclements des chaises sur le sol, surtout la voix de ma vieille tante, pas si vieille pourtant, plus jeune que moi aujourd'hui. Ces dévotions archaïques le long du chemin de croix accompagnaient d'autres gestes quasi incompréhensibles : Les buis bénis des rameaux, les croix des champs (non, les croix, c'était plus tard), les statues dans l'église recouvertes de draperies violettes, les cloches silencieuses du vendredi saint au dimanche de Pâques. Ce jour là, les enfants vendaient des petits oeufs en chocolat à la sortie de la messe. Cela, au moins, on pouvait, sinon le comprendre, au moins l'apprécier. Mais qu'est-ce que la foi avait à voir avec tout cela ?
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