20/05/2014
La vie comme elle va
C'est un paysage de rien. De grands arbres tourmentés, une rivière molasse, des prairies inondées 3 fois par an, et dans la rue des petites maisons aux noms démodés (les Roseaux, les Troënes, Mon repos). De vieilles personnes habitent là. Elles trottinent pour faire leurs courses, les cabas à peine remplis mais déjà trop lourds au bout du bras. Ce que c'est que de vieillir... Un jardin vient d'être abandonné. Le jardinier est-il malade ? Plus loin, les travaux ont repris très discrètement dans une construction dont il se dit qu'elle n'est pas très légale. Les propriétaires arrogants laissent leur chien en liberté, il a mordu une dame en vélo, mais ils ont dit (les maîtres...) que ce n'était pas vrai, ou que ce n'était rien, je ne sais pas exactement. Le monsieur de la maison Palissy vit seul maintenant que sa femme est hospitalisée, définitivement. Les jours de marché, il va acheter des filets de poisson (lieux, soles, perches du nil), rien d'autre. Rentre chez lui son petit sac de plastique bleu à la main, en saluant de la tête les rares passants. C'est un paysage de rien, et des gens de rien. Enfin, comme partout.
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17/05/2014
Jardin
Il faut lire les traités de jardinage avec la foi des vieux croyants. Au moins. Le jardin, c'est comme une chose rêvée. Un idéal inaccessible, mais auquel la croyance donne de la réalité. C'est de l'histoire sainte, belle et fabuleuse histoire. Encore mieux que la légende dorée, les histoires de jardinage donnent espoir. L'amateur de jardins suit scrupuleusement les conseils. Sème au bon moment. Arrose à la bonne heure, ni trop, ni trop peu. Bine, parce qu'un bon binage vaut deux arrosages. Dépierre, ou pas. S'épuise à amender la terre ingrate. Observe le calendrier lunaire, sait qu'il y a des jours feuilles ou racines. La conduite d'un jardin semble relever de la mission impossible, ou presque. Mais quels que soient les résultats, le jardin apaise. Occupé au vivant, le jardinier entre, sinon dans l'éternité, en tout cas dans un temps qui le dépasse. Il n'en verra pas le bout, le jardin lui survivra.
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16/05/2014
Citations
"Arrivé à un certain moment de sa vie, on s'aperçoit qu'on passe ses journées en compagnie des morts autant qu'en celle des vivants" (p.120)
"La lecture de roman policier, un remède efficace, un baume contre le stress et l'anxiété chronique" (p.150)
Paul Auster, Le diable par la queue, Babel
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15/05/2014
Mémoire
Il y avait le cliquetis de la machine à écrire, le grincement de la porte de l'armoire sur le palier, le vrombissement du pédalier de la machine à coudre, les voix animées et grondantes, partout. Disparu, tout cela. Comme va disparaître... quoi exactement ? Je ne peux rien identifier dans les bruits d'aujourd'hui qui auraient la même force que ces choses du passé. Les sons d'aujourd'hui, neutres, impersonnels. Rien ne remplace les émotions de l'enfance. J'entendrai jusqu'à mon dernier souffle le brouhaha des voix derrière moi, assise à l'écart sur le perron couvert, un peu cachée, à l'écoute de ces sons connus par lesquels je pouvais deviner ce qui se passait et que je ne voyais pas. Les bruits de vaisselle entrechoquée, les remontrances du cuisinier, et aussi des rires. Jamais de chansons, pas le temps, et pas le moment. Entre dedans et dehors, j'écoutais les bruits de la grande maison, les bruits des autres, et les grillons de l'été. Je me souviens de tout, même si tout a disparu.
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