Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/08/2011

Les verres à absinthe

103_0354.JPG

Les grands verres à absinthe font partie de l'histoire familiale oubliée : mes grands parents ont tenu un café, à la fin du 19° siècle, dans un petit village, et il ne reste de cette époque que quelques verres, abandonnés au grenier, une vieille table en bois, et le registre où ma grand-mère notait les dettes des habitués. Je suppose que ceux-ci payaient lorsqu'ils avaient des rentrées d'argent. L'habitude était de faire confiance aux consommateurs. Pourtant, est-ce à cause des impayés ou de l'incurie de mon grand-père, le café a été déclaré en faillite, et c'est le père de ma grand-mère qui a renfloué l'affaire. Il l'a fait par amour pour sa fille, et on disait alors que sa dot avait été payée deux fois. Dans ce minuscule village, il y avait 5 cafés, tout le monde se connaissait, et on ne parlait entre soi à peu près que patois (mais on écrivait en français). 

J'ai retrouvé les verres ayant survécu aux tourmentes de la maison, et les ai remis en service (mais plus d'absinthe !). Ils ont l'inconvénient d'avoir une contenance trop importante, et donc de pousser à la consommation. Je les utilise de ce fait assez peu, mais je pense à chaque fois à ma grand-mère Rosalie, morte de la grippe espagnole en 1918 sans avoir revu son fils revenu de la guerre. Et lui est arrivé à la maison, sans savoir que sa mère venait de mourir, juste à temps cependant pour l'enterrement.

16/08/2011

Prières

Autrefois, ma très vieille grand-tante organisait les prières à l'église à deux périodes de l'année. Pendant le carême, tous les vendredis soir, nous suivions avec elle les 14 stations du chemin de croix. Puis, en mai, récitation du rosaire imposée aux enfants du catéchisme et quelques personnes pieuses, uniquement des femmes. Ma mémoire d'enfant est restée marquée par l'atmosphère un peu spéciale de ces temps de prières, dans l'église glaciale et peu éclairée. La voix monocorde de ma tante, les réponses des participants aux litanies interminables, le grincement des chaises sur le sol en béton... J'ai le souvenir de moments de contraintes (et l'immobilité, le froid...), et d'une histoire tragique incompréhensible lorsque la récitante annonçait d'une voix sépulcrale : 10° station, Jésus tombe pour la 3° fois... Au sortir de l'église, même s'il faisait mauvais temps, même s'il pleuvait ou neigeait, on avait l'impression de revivre, comme si l'on retrouvait la chaleur de la vie. 

14:44 Publié dans Avant | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer

15/08/2011

Livres de chevet

Deux livres de chevet, également aimés, quoique différemment. 

Notes de chevet, de Sei Shönagon, Gallimard/Unesco, coll. Connaissance de l'Orient

Les Carnets secrets de Li Yu, présentés par Jacques Dars, ed. Philippe Picquier.

Lorsque la vie semble perdre de son intérêt, lorsque le moral flanche, reprendre l'un ou l'autre de ces livres permet de reprendre pied. Leur vertu est de traiter de l'essentiel de la vie, et d'en dessiner un contour positif, sensible. Des siècles nous séparent de ces auteurs, leurs civilisations respectives sont très éloignées de nous, certaines choses sont incompréhensibles pour moi qui n'ai de ces époques lointaines qu'une connaissance très superficielle. Le charme opère pourtant. Leur lecture me réconfort, m'aide à considérer autrement le monde qui m'entoure.

Grâce à Li Yu, en particulier, je suis attentive à des détails qui permettent, selon les mots de Jacques Dars, "de transmuer les moments courants machinaux ou nuls de l'existence quotidienne en intermèdes agréables ou délicieux, parfois inoubliables". Ce "court traité du bonheur considéré comme un des beaux arts" ne me quitte pas. Je peux rester des mois sans l'ouvrir, il me suffit de le savoir là, à ma portée, accessible, une vraie leçon de vie qui jamais ne se dérobe, qui jamais ne me fait défaut.

Ma bibliothèque (pour y voir plus clair)

Pourquoi conserve-t-on des livres que l'on ne rouvrira jamais (et on sait très bien qu'on ne les rouvrira jamais) ? Nos bibliothèques sont encombrantes, lourdes. Elles obèrent les déménagements. Pourtant, malgré la gêne, on se sépare rarement de ses livres. Même après un déménagement fastidieux, il en reste encore beaucoup (trop !) pour le nouveau logement.

Conserve-t-on seulement en souvenir d'émotions anciennes de lecture ? Plus ou moins oubliées d'ailleurs...

Une bibliothèque personnelle n'a de sens que pour son possesseur. C'est un labyrinthe privé, dont les accès ne sont perceptibles que pour celui qui les pratique au quotidien.

Les modes de classement possibles ont été longuement explorés, décrits, analysés, par des experts en la matière (Pérec, Manguel...)

Mais comment les livres sont-ils arrivés là, par quels processus de cooptation, de choix, de conseils, de besoins, réels ou supposés ? Impression que rien n'arrive jamais par hasard. Il a fallu entrer dans une librairie, décripter le mode de classement (le mot livre a pour corollaire le mot classement), errer au milieu des tables de présentation. On peut avoir avec soi un petit carnet pense-bête pour les mémoires défaillantes. Sensation d'une petite décharge électrique quand la main se pose sur ce livre que justement on cherchait ou sur celui qu'on ne cherchait pas, mais qui tombe fort à propos.

Nos bibliothèques nous ressemblent. Elles témoignent de nos goûts, de nos histoires personnelles, de nos études, de nos origines. J'ai par exemple sur mes étagères des livres sur l'histoire de mon pays natal. Mes anciens livres d'études. Et des histoires de la littérature très ennuyeuses. Montrez moi vos livres, je vous dirai qui vous êtes...

Alors que je suis le désordre incarné, mes livres sont rangés, arbitrairement bien sûr, de telle façon que je retrouve toujours celui dont j'ai besoin. Besoins fréquents : je crois que je n'ai jamais passé un seul jour de ma vie sans ouvrir un livre (enfin : depuis que j'ai appris à lire). Et depuis mes premières explorations dans les caisses de livres d'une vieille tante décédée, dans un grenier glacial, je n'ai jamais cessé de chercher des livres.

(à suivre, peut-être...)