Les livres

Lisant, à la fin d'un roman de M. Atwood, la liste impressionnante des personnes que l'auteur remercie pour leur aide, j'imagine la liste qu'aurait pu faire le petit Marcel à la fin de la Recherche... et cela me fait rire. Pour Proust, seuls les biographes et exégètes patentés iront à la recherche (c'est le cas de le dire) de ses sources, à travers la documentation dont ils disposent. Les livres se suffisent à eux-mêmes, le lecteur n'a pas besoin de connaître les sources de cette écriture pour être heureux dans sa lecture. Je trouve assez déplaisante cette façon qu'ont les auteurs (américains surtout) de justifier leurs mots. À se demander : mais qui tient la plume ? ou plutôt, parce que l'écriture manuelle n'a plus lieu d'être, à ce degré d'efficacité, qui alimente l'ordinateur ? Certes la couverture nous donne un nom d'auteur, mais vu la kyrielle des contributeurs nommés, on peut se poser la question. Livres calibrés, normés, surveillés. Pour des lecteurs eux-mêmes normés, nous. 

Citations

Ne pas hésiter entre pensée et action, entre occasion et concrétisation. (p.175)

En se concentrant sur un objet donné, telle une fleur, on peut oblitérer le fatras qui encombre l'esprit. Quand on cesse de penser à quelque chose de particulier, on ne pense plus du tout consciemment. Cet état d'activité mentale favorise les révélations et nourrit la compréhension. Il ouvre la conscience à des idées neuves, à des démarches et des intuitions nouvelles, issues du vaste univers de l'éveil plutôt que du cercle étroit du moi - celui dans lequel les pensées sont d'ordinaire enfermées. (p.188)

C'est merveilleux la façon dont les idées viennent quand vous vous mettez simplement en état de les recevoir. (p.189)

Furutani, Menaces sur le Shogun, 10/18

Citation

"Si chacun consacrait une certaine partie de chaque jour à revenir sur le temps qui a passé et à consigner ses pensées et ses sentiments, à faire le compte de ses gains quotidiens, afin de pouvoir détecter la fausse monnaie qui s'est immiscée dans ses coffres et, pour ainsi dire, à régler ses comptes avec son esprit - non seulement son expérience quotidienne s'en trouverait grandement accrue - puisque ses sentiments et ses idées seraient ainsi définis plus clairement - mais il serait prêt à tourner une nouvelle page, après avoir lu attentivement la précédente, et cesserait de survoler la même page sans parvenir à la distinguer de la nouvelle."

H.D. Thoreau, journal 1841-1843, édition finitude, 2013

Note de jeunesse, cité dans la préface "Écrire au tison" de Th. Gillyboeuf, qui conclut par cette autre note de Thoreau :" Écrivez tant que le feu est en vous. Quand le fermier fait un trou au fer rouge dans un joug, il porte le tison rapidement au feu de bois, car, à chaque minute, le tison devient moins apte à le transpercer. Il faut s'en servir à l'instant, sinon il devient inutile. L'écrivain qui remet à plus tard la transcription de ses pensées se sert d'un tison refroidi. Il n'enflammera pas son public."

Citation

"Il faut tout écrire. Ce qu'on voit. Ce qu'on entend. Ce qu'on nous dit et ce qu'on ne nous dit pas. Ce que l'on a fait, pas fait, voulu faire. Tout écrire."

Erri De Luca