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16/12/2012

Lire ou relire, Roger Grenier

Un peu d'ennui, de vague à l'âme, d'inappétence pour le quotidien ? Lire, ou relire Regardez la neige qui tombe, impressions de Tchékhov" (Folio), de Roger Grenier. J'ai l'impression, moi, que Roger Grenier est un homme bon, qui nous fait partager le meilleur de Tchékhov, gloire des lettres russes mais très méconnu. Je relis, à intervalles éloignés, cet essai qui n'est ni une biographie (quoique !), ni un essai critique de cette oeuvre abondante. Mais dépaysement garanti. Une plongée dans la Russie du 19° siècle, les admirations, les amours, les haines des écrivains entre eux. Avec en prime des détails du quotidien (mention pour les chiens qui s'appellent Bromure et Quinine : "quels braves gens les chiens !" disait Tchékhov). Des anecdotes, nombreuses, jamais inutiles, même si secondaires. Et surtout ce livre donne envie de lire Tchékhov, ce qui est l'essentiel.

Un détail pour la route : j'ai vu dans une bibliothèque publique la fiche d'un livre de Tchékhov, dont seules la première et la dernière lettre de ce nom étaient à la bonne place, les autres lettres étant mélangées dans un parfait désordre, formant un nom nouveau. Mais miracle de la lecture rapide, la fiche était intercalée à sa place dans l'immense tiroir métallique du fichier. Gloire aux bibliothécaires !

14/12/2012

Une référence

Jean-Christophe Bailly, dans une interview accordé à Michel Butel pour L'Impossible, répond (ou non) à la question : "comment se fait-il que l'on ne soit pas complètement découragé ?". L'entretien ne peut être résumé en quelques lignes (en tout cas, moi, je ne sais pas le faire). Il apporte un éclairage bienvenu sur notre société, "notre temps troublé". Une lecture nécessaire pour ne pas se laisser ensevelir. Il  évoque l'absurdité qu'il y a à vivre dans un monde dominé par des technologies que l'on ne comprend pas, dominé par l'accumulation de biens inutiles. Et la mémoire, qui n'est pas une réserve, mais "la condition à partir de laquelle il y a pensée". Les Lumières, les réseaux, qui  nous privent de liberté... Quelques pages denses, qui ouvrent des portes, beaucoup de portes.

L'Impossible, mensuel, n°9, novembre 2012. (Une invention de Michel Butel, infatigable)

12/12/2012

Siri Hustvedt

L'heure délicieuse, tôt le matin, dans la chambre encore froide de la nuit, encouettée jusqu'au cou, les mains et la tête seules exposées à l'air, et enfin un livre. Ce matin, c'est Siri Hustvedt et son Un été sans les hommes" (Actes Sud) qui m'accompagne, avant d'affronter la journée. Chaque ligne de ce texte me réjouit, qui effleure sans s'attarder les non-dits de l'existence. La narratrice, poète d'age mûr, quittée par son mari pour une créature plus jeune (jusque là, rien que du classique !), passe un été dans sa ville natale. Entre atelier de poésie pour adolescentes et visites à sa mère âgée ou à sa voisine, les souvenirs remontent et envahissent son espace mental. L'extrême jeunesse de ses élèves et l'extrême vieillesse de sa mère et de ses amies dessinent le cadre de ses réflexions et ses retours à son propre passé. Le tout baigné d'un humour très discret. On découvre avec elle ce qu'est la "séniorose" ou "cerveau de vieille dame", et la perversité des relations humaines, jamais simples, jamais directes, ou sous-entendus et silences pullulent. Deviner sous l'apparence des mots la réalité, dure tâche, jamais achevée. Tout le livre s'articule autour des relations hommes/femmes, (avec de savoureuses et ironiques références aux études scientifiques), la mort de l'amour et sa persistance. Ou sa résurrection. La vieillesse est cruelle, mais l'amour ne l'est pas moins, qui ne va jamais sans souffrance.

24/11/2012

Physionomies végétales, par Elie Reclus, ed Héros-limite

Si vous pensez que du pissenlit si banal il n'y a pas grand chose à dire, si vous croyez que l'alliance du chêne et du chèvrefeuille va de soi, si vous passez près d'un pin maritime sans le regarder, ce livre est pour vous, pour vous amener à voir la nature autrement. L'auteur est le frère du grand Élisée Reclus. Le lecteur d'aujourd'hui est toujours étonné et admiratif en découvrant cette langue d'un autre temps, riche, modulée, au service d'une pensée et d'une observation fines et justes. Les plantes étudiées le sont comme des êtres doués de personnalité et de sensibilité, comme des êtres vivants, ce qu'elles sont, mais que l'on oublie trop souvent. Après cette lecture, on regarde plus la nature de la même façon. Son frère Élisée, dans le dernier chapitre du livre, raconte la vie d'Élie, qui s'appelait en fait Jean-Pierre-Michel !, et qui durant toute sa vie ne voulut jamais occuper une place prééminente dans la vie sociale de son temps : "surtout, garde-toi bien de réussir" était sa devise. En compagnie d'Élisée qui raconte ce voyage avec une sorte de sourire dans l'écriture, ils traversent la France à pied : "même les sommeils paisibles interrompus par le vent ou la pluie laissèrent d'agréables souvenirs de jeunesse et de gaité" (p. 185). Que ce soit dans la description des plantes par Élie ou la courte biographie par Élisée, le livre fourmille de notations positives et sa lecture rend heureux. Ces textes éclairent notre connaissance du XIX° siècle, rendent vivants l'univers de ces savants voués à l'étude et à l'écriture, mais aussi engagés dans les luttes sociales et politiques de l'époque. On voudrait retrouver pour soi-même cette détermination dans la recherche, ces vues droites sur les événements, cette qualité d'écriture. Il me reste de cette lecture une vision heureuse d'hommes penchés sur leurs manuscrits, écrivant sans relâche, sans machine à écrire ni traitement de textes... Des hommes qui acceptaient joyeusement les difficultés de la vie, à l'écoute de leurs semblables et de la nature.

à lire aussi : "le pain", du même Élie Reclus, même éditeur