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09/09/2011

Traces

Les fées ne se sont pas penchées sur mon berceau, et je n'ai pas de dons particuliers. Mon existence est ordinaire. Une vie semblable à celles de toutes les vieilles tortues de mon espèce. Mais comme elles, je laisse des traces dans le sable, traces que je devine plus que je ne les vois, avec le recul du temps, dans la lumière rasante du matin. Ce sont ces traces, et celles de toutes les vieilles tortues mes congénères, que je voudrais traquer, retenir et transmettre. Est-ce une volonté pour le moins excessive, ou simplement un voeu pieux ?

08/09/2011

Livres de chevet

Papiers collés, de Georges Perros, Gallimard

Il y a des livres qui ne sont jamais loin de nous. Nous ne les ouvrons, le plus souvent, qu'assez peu. Il nous suffit de les savoir à portée de main, rangés un peu à part, une étagère spéciale pour ces compagnons silencieux, quelquefois cachés aux regards indiscrets. Enfin, silencieux ! c'est à voir. Ils continuent de nous raconter des choses de nous, du monde comme il va (mal), et de notre place dans ce monde malheureux. Ce matin, j'ai relu la préface du T.2 des Papiers collés. "Ce n'est pas tous les jours qu'on peut parler de tous les jours". Et aussi : "... je me sers d'un matériau sans transcendance, rampant, sans références; pari dangereux, voire imbécile. Mais je vais toujours, on dirait par vice, au mot le plus usé, le plus  clochard, le plus chargé; ce n'est pas l'amour des mots entre eux que je recherche, non, mais plutôt leur aptitude à se refiler la même maladie". Perros à lire, et à relire, pour comprendre son écriture, pour s'en nourrir. Je voudrais tout citer. Encore ceci : "Il y a chez l'homme un trop et un pas assez qui fait que reste toujours sur le tapis un définitif laissé-pour-compte. Son image ?" Les livres de Perros sont incitatifs. À la réflexion, à la lecture, à la relecture. 

07/09/2011

Quotidiens

Des générations qui m'ont précédée, je possède quelques traces écrites. Ma mère notait chaque jour le nombre de repas servis au restaurant (le registre couvre 45 ans d'activité). Il y a des lacunes dans cette continuité : naissance des enfants, maladies, décès. Elle avait aussi un carnet secret, que je n'ai connu qu'après sa mort, le carnet des dettes. Mon grand père paternel, voiturier, notait sur un petit carnet les courses à faire. Mais à la fin de sa courte vie, il notait aussi sa perte de poids, événement plus tragique que le reste, et les dates de ses visites au médecin. Mon père inscrivait chaque jour, d'une très fine et élégante écriture, le nombre de kilomètres parcourus, la consommation de carburant et d'huile, les dates de vidange et de changements de pneumatiques. Pendant la grande guerre, il a noté, toujours très brièvement, dans un minuscule carnet, les lieux de cantonnement, les permissions, le nombre d'obus tirés au plus fort d'une attaque, et aussi qu'il avait fait des "fotos". Plus tard, il calculait le soir le cubage des grumes transportées dans la journée, à l'aide d'un petit manuel de cubage à couverture cartonnée, dans des carnets de format oblong. Combien de billes par voyage ? Mon arrière grand-père, qui se disait "quabaretier' tenait un registre pour les consommations non payées par les habitués. Ma grand-mère aussi avait un registre pour les vieux clients, qui payaient au mois, ou ne payaient pas… Et je revois ma sœur aînée établissant chaque soir "la note", qui réglait la fabrication de la pâtisserie du lendemain. Tant de chaussons, tant de croissants, tant de tartes aux pommes etc… Je lis ces carnets, ces registres, ces cahiers, je devine plus que je ne comprends ces quotidiens déjà tellement éloignés de moi. Des vies jalonnées de petites écritures ordinaires, que l'on ne songe guère à conserver la plupart du temps, mais qui me racontent, à moi dépositaire de hasard, des existences de labeur et de sous péniblement gagnés.

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06/09/2011

Memento quia pulvis es

 

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la Croix de Rochefort 002 (300dpi) copie.jpg 

Écriteau de zinc martelé, cloué sur une croix de bois dans la forêt. On l'atteint après une marche fatigante, une montée interminable. Le chemin d'accès est large, en bon état, car il est utilisé par les forestiers. Il y a peu de promeneurs, mais autrefois, les croyants courageux l'empruntaient pour aller assister à une messe votive le 15 août de chaque année, sur un crêt dans la montagne. Le curé a vieilli, puis il n'a pas été remplacé, la cérémonie a disparu. Je crois n'être monté qu'une seule fois à cette petite fête, sans doute emmenée par des clients qui avaient su persuader ma mère de me donner un peu de liberté. Mais je ne suis sûre de rien, confondant en un seul événement plusieurs souvenirs du même genre ? La croix de bois, abimée par les intempéries, se dégrade. Elle est peut-être tombée depuis notre dernier passage, il y a quelques années. Mais c'est dans l'ordre des choses : "souviens-toi, homme, que tu es poussière".


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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