08/02/2012
Les robes des petites filles
Deux petites robes, très années 20, l'une en soie rose, brodée ton sur ton, l'autre bleue, en soie également, les deux à volants, les deux ornées de fleurs en tissu. La soie est fanée, un peu tachée, rongée par le temps. Je suppose, premièrement, que ma mère a cousu et brodé elle-même ces vêtements, deuxièmement, qu'elles ont été portées par mes soeurs enfants dans les années 20. Elles seraient maintenant de très vieilles dames, si elles avaient survécu. Au-delà de mes suppositions, je sais, et là je ne suppose pas !, que ces toilettes de fêtes, délicates, raffinées, étaient importantes aux yeux de ma mère puisqu'elle les a soigneusement conservées dans un petit carton, tout en haut de son armoire. Mais je ne sais pas pour quelle occasion exceptionnelle elles ont été confectionnées. Un mariage ? Si j'en juge par la taille des robes et l'âge probable de mes soeurs, l'événement a du se passer vers 1929 ou 1930. Mais je ne sais pas de quel mariage il peut s'agir. J'imagine le plaisir de mes soeurs, vêtues de leurs petites robes de soie légère à volants, au lieu des habituels vêtements rustiques, cousus à la diable, peu seyants, si j'en crois les photographies. Mais nulle trace, sur celles-ci, des robes de soie. Le plus souvent, quand on a des photographies, on ne possède pas les vêtements des photographiés. Là, j'ai les vêtements, pas les photographies. Mais les robes ont été portées et conservées, pendant plus de 50 ans par ma mère, par moi ensuite malgré mon ignorance. À cause de mon ignorance. Car à défaut de savoir réel, je tiens dans mes mains ce fragile témoignage d'un temps où je n'étais pas, et dont personne ne m'a rien dit, sans doute parce que jugé sans intérêt pour moi. Tout un large pan de l'histoire familiale m'échappe, car tard venue, je n'en fait pas partie. Les petites robes de soie me charment et me troublent tout à la fois, fragiles ponts de souvenirs absents entre mes soeurs enfants et moi, ayant atteint l'âge qu'elles n'ont jamais eu. Je range les robes dans mon petit grenier personnel et je raconte leur histoire, réelle et supposée (donc avec une marge d'erreur, j'en suis consciente) leur histoire comme surgie du néant.
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18/01/2012
Le coquetier
Le plaisir des oeufs à la coque dégustés dans l'enfance est associé dans mon souvenir à des circonstances particulières : petites maladies, convalescence dans les cas plus sérieux, ou gourmandises d'une petite fête, ou ce qui était pour nous les enfants une petite fête, et n'était que le signe d'une défaite culinaire ce soir là. Car dans ma mémoire (infidèle) on ne mangeait les oeufs à la coque que le soir, accompagnés bien sûr de merveilleuses mouillettes beurrées. C'est un des rares plats (il n'y en a peut-être pas d'autre) qui s'accompagnait d'un cérémonial immuable. Le nombre de mouillettes, la quantité de beurre sur le pain, l'organisation de tout ça, coquetier, oeuf et mouillettes sur l'assiette à fleurs. Des nombreux coquetiers en porcelaine blanche, seuls 3 ou 4 ont résisté à nos mains maladroites et aux vaisselles remuantes.
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08/01/2012
Grandir dans une cuisine
Grandir dans une cuisine et en garder à jamais l'amour des ustensiles culinaires, et le goût des plats mijotés, et les noms des ingrédients (l'arôme Patrel...). Avoir vu la préparation de la tête de veau, des pâtes fraîches, du boudin et des saucisses lorsque l'on tuait les cochons. Aimer maintenant encore la cuisine du jour, et la transformation des restes en mets succulents. J'ai eu la chance de grandir dans une cuisine...
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04/01/2012
La boîte aux lettres
L'ancienne boîte aux lettres de la Poste est fermée depuis longtemps. Mais, encastrée dans le mur de la maison, elle est restée en place. Le facteur, au moment du relevé des lettres, tournait une petite molette indiquant sur la façade que le relevé du jour avait été effectué. Peu à peu, la vieille boîte aux lettres perd ses couleurs, se dégrade. Un jour, sans doute, il faudra intervenir. Boucher le trou dans la façade de la maison. Avec sa disparition, ce sera un pan de ma jeune vie qui disparaîtra. Le fait que la boîte soit encastrée dans le mur de notre maison créait avec l'activité postale une sorte de lien, une appropriation discrète. La taille de la boîte est à la mesure des habitants de cette époque : peu nombreux, et écrivant peu. D'autant que les PTT d'alors acceptaient des enveloppes de très petit format, très courantes.
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