Inventaire (partiel)

Dans mon sac, il y a, en permanence : mes papiers, bien sûr, qui racontent qui je suis. Les fiches horaires de trains et de bus. Un agenda. Des lunettes de soleil. Un petit carnet à dessin. Un petit carnet de notes diverses. Un bout de chocolat dans son papier d'argent. Un tube de rouge à lèvres. Une trousse de médicaments pour les urgences (maux de tête, de dents, de ventre...). Un pilulier pour les traitements au long court. Un appareil photo. Un téléphone portable, le plus souvent silencieux. Une ordonnance périmée, une autre en cours de validité. Un flacon d'HE de menthe poivrée, pour les coups de fatigue. Une carte de transport local. Je crois que c'est tout. ah ! quelques tickets de caisse froissés, illisibles, des cartes publicitaires, un sucre dans son emballage. Un porte-monnaie. Et puis j'oubliais : un couteau de poche, pas grand, mais tout de même. Je suis dangereuse ?

Trésor et archéologie

Tout le monde a un trésor. Le petit garçon qui ne rêve que de pirates amasse toutes les pièces de monnaie qu'il peut trouver dans un boîte métallique, qu'il peut à peine soulever. C'est mon trésor, explique-t-il très sérieusement. Je possède moi aussi un trésor. Deux médailles religieuses, dont l'une est la copie de l'autre, mais je ne sais pas laquelle est la copie. J'ai le vague souvenir que cette affaire de médailles a à voir avec ma soeur très malade, mourante... Ma mère a conservé le petit écrin de faux maroquin rouge, et la boîte en bois dans laquelle le bijoutier expédia le tout, il y a plus de soixante ans... C'est mon petit trésor, anodin, précieux. Je suis dans l'inconnaissance de ce qui a eu lieu, et dans le souvenir d'une émotion partagée par ma mère, ma soeur et cette autre personne dont le nom est gravé sur l'une des médailles, l'autre portant le nom de ma soeur. La mort est arrivée trop vite. Le secret, personne ne le connaît. Pourtant, c'est mon trésor.

Évolution

Avez-vous remarqué ? Plus personne, dans une conversation normale, ne dit "oui", mais "ouais". Ouais est entré au dictionnaire, et il est bien spécifié qu'il relève du langage familier. Il y a, dans le ouais prononcé en traînant la voix, quelque chose de différent du oui, lequel est comme de l'or massif, clair, net. Ouais est un peu vulgaire et n'améliore en rien la qualité de notre expression. C'est ainsi, la langue change, des mots se perdent. Savez-vous ce qu'est un "courte-bottes" ? Un homme de petite taille... Et un "couloir" ? Non pas une pièce de votre appartement, mais un récipient à fond de toile utilisé pour passer le lait. Maintenant que le lait est tamisé industriellement, le couloir a disparu avec les pratiques anciennes. Et un "coulissier" ? C'est le monsieur qui traite des affaires à la bourse hors du parquet des agents de change. Ces mots étaient vivants en 1930, répertorié dans "le dictionnaire d'aujourd'hui, toujours à jour (!)" édité chez Mame. Ouais, c'est ainsi. Mais même si ouais ne dit pas tout à fait la même chose que oui, je regrette son omniprésence. Je milite pour le retour du OUI !

Retour

Je ne sais quelle main pleine de force a retenu ma mienne pendant des semaines. Non, je sais un peu. À quoi bon écrire ces petites notes insignifiantes alors que de partout montent des cris de détresse ? Ayant atteint le fond de l'aquoibonisme, maladie fort répandue, la tortue nettoie ses écailles et reprend la route, dédaigneuse du lièvre étourdi. Ah ! Tortue, ne te laisse pas distraire.