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24/10/2015

Dans le train

La dame du train, absorbée dans ses petits transferts de bagages, ne répond pas à mon salut (timide). Elle organise sa tablette, ses lunettes, commence à faire glisser son doigt sur l'écran, de droite à gauche. Toujours pas un regard. Elle quitte sa place, et revient un peu plus tard avec une petite fiole qui contient, je suppose, du vin blanc (ce dont j'ai confirmation une minute plus tard, par la couleur et l'odeur) et une boîte de carton fermée hermétiquement,contenant de fausses chips. Ce sera son déjeuner. L'odeur me gêne. Je finis mon petit sandwich anodin. Puis la dame pose sur ses yeux un masque et s'endort. Elle ronfflote doucement, se réveille un peu, s'étire, bougonne, se rendort. Dans le train, on entre dans l'intimité des gens (et eux dans la mienne...). Quand le train freine, sur le point de s'arrêter, elle me demande, avec un charmant accent anglais, "quelle est cette station ? " Tiens, j'existe ! Mais pour quelques secondes seulement.

15/10/2015

Appartenance

Nous sommes tous en quête d'appartenance. C'est sur cette quête que les fiefs religieux prospèrent. D'où venons nous, où allons nous ? Pas de réponses. Et surtout avec qui sommes nous ? Minuscules groupes. D'abord la famille, ou ce qu'il en reste. Puis les amis, peu nombreux. Enfin les relations, connaissances, vague halo brumeux dans notre horizon.  Rien d'immuable : la famille d'origine s'étiole, par morts successives. Les amis trahissent, ou s'éloignent. Emergent quelquefois de nouveaux visages. Les jours filent, diminuent. On entre dans l'automne, frimas des matins. "Automne, feu furieux, vieux feu, bûches. Ferrailles, bois et brumes. Rouille, cendres..." (Jaccottet). Voilà notre véritable appartenance :  le monde sensible, dans lequel nous nichons, dans lequel infusent nos plaintes, nos pleurs, et parfois tout de même nos sourires.

13/10/2015

Ce serait comme un hommage...

Ce serait comme un hommage. Des décennies de compagnonnage, de rencontres plus ou moins espacées, de conversations téléphoniques, mais jamais de courriels. Souvenirs intacts : dans sa cuisine, ses longs doigts râpant les carottes (et la râpe immédiatement lavée, essuyée, rangée), au salon servant le thé sur la table basse en rubans d'aciers tressés, et son rire, qui lui plissait les yeux, avec une légère retenue, le corps un peu penché en avant. C'est qu'elle était grande et paraissait quelquefois encombrée par son corps pourtant mince. Sa voix, si reconnaissable, dont sa fille a (partiellement) hérité. Éteinte la voix, éteint le regard, elle ne volera plus au chevet de l'un ou l'autre membre de sa grande famille. Je n'ai jamais perçu chez elle l'articulation du devoir et du plaisir. Où commençait le devoir ? Avant le plaisir ? Ce qui devait être fait était fait. Sans hésitations, sans récriminations. À l'entendre, tout était simple. Vertu du sens du devoir, dans une tranquillité d'esprit absolue. Des failles ? Oui, mais exprimées très vite, à peine exprimées en fait. Il fallait tendre l'oreille pour saisir ces fêlures. Elle ne disait rien qui puisse remettre en cause l'organisation de sa vie. Elle disait qu'elle était une privilégiée, et sans doute l'était-elle. Mais rien n'arrête la mort, cette visiteuse mal polie qui entre sans frapper. Je mesure la perte, mais aussi la vivacité et la présence des souvenirs, sorte de contrepoids à la mort. La perte : plus jamais. Le souvenir : à jamais.

09/10/2015

Lu dans la presse

"Les liseuses numériques pourraient devenir un des produits technologiques ayant eu la durée de vie la plus courte". En Angleterre, les ventes de liseuses sont en chute libre, alors que celles des livres imprimés ont progressé de 4,6% au cours du premier semestre 2015. (Libération, 8 octobre 2015). Que faut-il en conclure ? Sans doute rien pour le moment, sinon que la sécheresse et la neutralité de l'affichage de la liseuse découragent le lecteur ordinaire, qui reste séduit par les qualités de l'objet livre. Un objet dont vous restez propriétaire après l'avoir acheté, que vous pouvez donc donner, prêter, vendre; un objet auquel son poids, la qualité du papier, la mise en page, la couleur, transmettent au lecteur une infinie diversité de sensations... Le livre imprimé reste un objet sensuel, que l'on a plaisir à manipuler, à utiliser, à n'en pas douter.