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21/06/2014

L'été

C'était l'été. Toutes les petites filles étaient chaussées de sandalettes ou d'espadrilles de toile blanche, couleur éminemment fragile. La corvée de l'été consistait à restaurer, au quotidien, cet état de blancheur. On utilisait pour cela une pâte qui marquait les mains et les pieds lorsqu'elle pénétrait un peu trop dans la toile. Taches très faciles à nettoyer, c'était une pâte à l'eau. À quel moment ont disparu les sandalettes blanches et la pâte à blanchir ? Aucune idée. Les petites filles d'aujourd'hui ne connaissent pas les contraintes de l'entretien des chaussures de toile blanche.

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15/05/2014

Mémoire

Il y avait le cliquetis de la machine à écrire, le grincement de la porte de l'armoire sur le palier, le vrombissement du pédalier de la machine à coudre, les voix animées et grondantes, partout. Disparu, tout cela. Comme va disparaître... quoi exactement ? Je ne peux rien identifier dans les bruits d'aujourd'hui qui auraient la même force que ces choses du passé. Les sons d'aujourd'hui, neutres, impersonnels. Rien ne remplace les émotions de l'enfance. J'entendrai jusqu'à mon dernier souffle le brouhaha des voix derrière moi, assise à l'écart sur le perron couvert, un peu cachée, à l'écoute de ces sons connus par lesquels je pouvais deviner ce qui se passait et que je ne voyais pas. Les bruits de vaisselle entrechoquée, les remontrances du cuisinier, et aussi des rires. Jamais de chansons, pas le temps, et pas le moment. Entre dedans et dehors, j'écoutais les bruits de la grande maison, les bruits des autres, et les grillons de l'été. Je me souviens de tout, même si tout a disparu.

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01/05/2014

Le temps passe

Cache-nez ou écharpe ? Chandail ou pull ? Souliers ou chaussures ? Habits ou vêtements ? Indéfrisable ou permanente ? Et les passe-montagnes n'existent plus que dans les films de genre tournés dans les Alpes suisses. Il n'y a pas de comptabilité de l'usage des mots. Certains tombent en désuétude, tombent en silence dans des abîmes insoupçonnés, ceux où se perdent les souvenirs. Seules les vieilles dames parlent encore, à l'occasion, mais les occasions se font rares, de caracos, de combinaisons, de jarretelles, mais sans y croire vraiment car elles ne portent plus ni combinaisons ni jarretelles. Le confort moderne se vit en pantalons, c'est tout.

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20/04/2014

Peli

C'était un vieil homme qui descendait une fois par semaine au chef-lieu. Un vieil homme robuste, qui marchait allègrement au début de son trajet, et d'un pas plus incertain après avoir franchi le seuil de la dizaine de troquet de la vallée. Plus tard, au retour, il titubait, mais pour autant que je sache, il n'a jamais roulé dans le fossé, ivre mort. On l'appelait "Peli" à cause de sa barbe blanche jaunie par la nicotine et autres saletés. Barbe, moustache, cheveux hirsutes, toute sa tête n'était que poils, sans doute puants, mais je ne l'ai jamais approché de près. Il faisait peur aux enfants, sans raison, mais il ne faisait rien pour amadouer son monde... La route était fatigante, plus de 30 km dans la journée, et les petits blancs des bistrots n'étaient pas de trop pour lui donner du courage. Où aurait-il trouvé le soutien dont il avait besoin, vieil homme taciturne, silhouette dont je croyais, enfant, qu'elle était éternelle et qui pourtant un jour a disparu ? Je ne sais rien de Peli, de son histoire, je ne connais même pas son nom, ni la date de sa mort. Je ne connais de Peli que sa marche sur la route, le bâton à la main, la musette sur le ventre. Mais il survit, un peu, dans ma mémoire.

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