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25/11/2013

Tante Marthe

L'oncle Ferdinand était impotent. Sa douce et frêle épouse lui était entièrement dévouée. D'où tirait-elle la force de s'occuper de la masse imposante de ce corps qui ne bougeait plus guère ? L'époque ne connaissait pas les aides à domicile. Marthe faisait seule ce qu'il y avait à faire, sans une plainte. Vie de dévouement, parce que ça ne pouvait pas être autrement. Marthe a soigné Ferdinand jusqu'au bout, à sa mort a quitté la petite maison près du lac, a suivi sa fille unique de ville en ville. Je ne sais ni quand elle est morte, ni où elle a été enterrée. Vie silencieuse, mort silencieuse. Chère tante Marthe.

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16/11/2013

Les seringues et la vie

Il me semble avoir toujours vu dans mon enfance la casserole où mijotaient les seringues, stérilisation de fortune, sur la grande cuisinière qui ne refroidissait jamais. La maladie rodait, attaquait par surprise, s'installait. Ma mère-courage soignait comme elle pouvait, sans doute consciente de son impuissance, et meurtrie de se sentir impuissante, mais ne renonçait jamais, jour et nuit à l'oeuvre. Nous, les plus jeunes, regardions en silence, sans rien comprendre. Au point de ne plus vouloir entendre, réfugiés dans des activités minuscules, secrètes, légères. Ce que nous faisions ne devait pas peser sur les adultes, si préoccupés, si inquiets. L'enfance est terriblement sérieuse.

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12/11/2013

Julienne

Fin des années 40, à peu près. Nous étions toujours nombreux à table. Les soirs d'hiver, une vieille femme qui vivait seule dans une maison délabrée, se présentait à la porte, sans rien dire. Ma mère la faisait entrer. "Dites, Julienne, vous prendrez bien une assiette de soupe avec nous ?" Julienne s'asseyait sur une chaise à elle réservée, en raison de la puanteur qui s'échappait de ses frusques. Dans mon souvenir, elle restait silencieuse, et repartait, réconfortée, dès son morceau de tomme avalé. Il fallait aérer après son départ, et descendre la chaise malodorante au sous-sol. Mais jamais ma mère ne lui aurait refusé ce maigre secours d'une soupe chaude en hiver, quel que soit le prix à payer pour la famille.

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06/11/2013

Une histoire de rien

Autrefois, on offrait aux nouveaux nés, à l'occasion de leur baptême, une timbale en argent, ou en métal argenté. Tous les enfants ou presque étaient baptisés, mais tous ne recevaient pas de timbale gravée à leurs initiales ou à leur prénom. Je n'ai pas reçu de timbale argentée à ma naissance, mais j'ai éprouvé de la jalousie lorsque certains de mes neveux en ont eu une. Il y avait des mondes différents. Celui où je vivais, et celui d'autres familles, très proches, mais plus aisées. En apparence, nous vivions de la même façon. Pourtant, les timbales en argent, les noëls plus somptueux et de meilleures chaussures... Il n'en a pas fallu plus pour que naisse un léger sentiment d'infériorité, qui je crois ne m'a jamais quitté, même si ses fondements étaient bien ténus. Une histoire de jalousie d'enfant, persuadé que l'assiette de son voisin reçoit une meilleure part que la sienne.

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