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19/10/2011

La coopé

Mélina. À droite en entrant, la cuisine. En face, l'escalier des chambres. À gauche, l'épicerie : d'abord, tout de suite à main droite, une grande huche dans laquelle sont entassés les paquets de pâtes Croix de Savoie. Au dessus, sur une planche, la laine à tricoter. Après, toujours à main droite en suivant le mur, pêle-mêle, la mercerie, le chocolat, le sucre, les lampes de poche. Aussi les stylos à bille, les plumes, le papier à lettres. Au fond, des boîtes, mystérieuses. À côté de la fenêtre le vin, l'huile à la pompe, les conserves. Vers la seconde fenêtre, à main gauche cette fois-ci, la droguerie, balais, cirages, lessives, serpillières, lacets de coton et de cuir. Sur la banque, pendant longtemps dans une boîte les carnets au nom des coopérateurs. Il y a tout un système de timbres et de ristournes. J'achetai à la coopé des bouchées au chocolat de la marque Cémoi, toutes rondes et bombées, fourrées au fondant blanc. Et des biscuits BN pour le goûter, dont mon père disait qu'ils lui rappelaient les biscuits militaires.

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18/10/2011

Transhumance, la vraie

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Je me souviens des bruits et des odeurs de la transhumance des moutons. Crotte, suint, urine, voilà pour les odeurs. Les bruits : le bêlement des bêtes (les troupeaux étaient énormes, on parlait de 3 ou 4000 têtes), les sifflets et les cris brefs des bergers, le piétinement sourd de ces milliers de pattes... Le passage des troupeaux était une petite fête. Bien sûr, il fallait courir pour protéger les fleurs devant la maison, mais avez-vous déjà vu un mouton dédaigner une possible nourriture à sa portée ? La tâche était pour ainsi dire impossible. On se dépéchait de préparer le café, que les bergers buvaient rapidement avant de rejoindre le troupeau en courant, après un échange rapide de nouvelles et de considérations diverses. Mes parents connaissaient bien certains d'entre eux, qui leur prêtaient parfois de l'argent. Même leurs noms étaient singuliers : Ismaël, Clovis... À l'arrière venaient les ânes et les mulets, chargés des provisions pour l'été. Arrivée, retour, le passage des moutons marquait la saison. Pourquoi ai-je l'impression d'avoir toujours été présente lors de ces transhumances ? Et quels regrets, malgré les fleurs massacrées, d'avoir vu un jour passer les moutons dans d'énormes camions à claire-voie. C'en était fini de l'attente des automobilistes à l'arrière des troupeaux, pendant des kilomètres. Seul le bon vouloir du berger, qui jaugeait le conducteur d'un seul coup d'œil, permettait de remonter très lentement la marée des bêtes. Mais je parle d'un temps où la circulation était peu importante. Lorsque celle-ci a augmenté, les camions à bétails sont arrivés. Ainsi vont les choses.

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24/09/2011

La magie

J'ai connu la magie dans mon enfance. Pas seulement celle des prestidigitateurs, qui faisaient apparaître et disparaître foulards, œufs ou autres objets. Non, la vraie magie dont je parle était autrement fascinante, car tellement mystérieuse. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, pour tenter de retrouver l'espoir, beaucoup cherchaient à connaître l'avenir. J'ai donc connu les tables parlantes. Dans la pénombre d'une pièce, plusieurs personnes étaient rassemblées, les mains écartées posées sur un guéridon. Après un long temps silencieux, empli de concentration, un des participants à ce jeu très spécial posait une question aux esprits, et on voyait le guéridon se soulever et taper d'un pied sur le parquet. Je ne me souviens plus qu'elles étaient les questions. Mais je crois entendre encore le son sec et dur, le tap tap du guéridon sur le bois ciré. Là est la vraie magie : le souvenir de cette atmosphère feutrée , de ce recueillement silencieux, excepté le tap tap censé donner la réponse à la question. Pour être tout à fait honnête, il faut ajouter au tableau le rire incrédule de ma mère, qui pourtant ne venait qu'après la séance. Car l'inquiétude que trahissaient les questions était, elle, bien réelle, et donc respectable. Quand aux réponses supposées, "si ça leur fait du bien", disait ma mère.     

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21/09/2011

Grands-parents

Question : Vous n'avez pas connu vos grands-parents. Est-ce qu'autant ils ne comptent pas pour vous ?

Réponse : Ce sont des figures lointaines, car morts bien avant ma naissance. Des gens dont j'ai peu entendu parler, à peine si je sais que quelques objets (dont j'ai finalement hérité) proviennent de chez eux. De mes grands-parents maternels, une table, un sucrier en pâte de verre. Du côté paternel, guère mieux. Les verres à absinthe, une lampe à huile, une chaise paillée, un registre commercial cartonné noir. Rosalie, côté paternel, était une commerçante dévouée et souriante. Lucie, côté maternel, fine cuisinière. Pas de quoi écrire une histoire, pas de quoi réécrire l'histoire. Mais j'ai de la naissance de Rosalie cette trace écrite de la main de mon arrière grand-père dans son registre à tout faire : Rosalie, 27 mars 1870. Paraphrasant Aragon, je peux dire : entre la Commune de Paris et moi, deux générations. Télescopage du temps avec le temps.

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