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02/09/2012

Photographies

Petite pochette en papier, d'avant le numérique. Du temps lointain où l'on déposait la pellicule impressionnée chez le photographe, que l'on récupérait 3 jours plus tard photographies et négatifs, rangés dans la pochette qui était à la fois objet publicitaire (Lumière, Kodak, Agfa...), étui protecteur de nos précieux clichés et organisation de notre mémoire.

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Que d'émotion ressentie à ouvrir la pochette, là, dans la rue, au sortir de la boutique, et à découvrir nos petites photos aux bords dentelés, en noir et blanc. Beaucoup de déception aussi. Tant de photos ratées, surexposées, floues... tant de visages lointains, à contre jour, à peine déchiffrables ! Cette petite fabrique à souvenirs familiaux était totalement contenue dans les pochettes de papier, sur lesquelles le photographe avait noté le nom, le nombre de tirages souhaités, et le jour de retrait des photos. Pas de date complète. Seulement le jour de la semaine où nous allions pouvoir nous présenter devant le comptoir, munis de notre ticket numéroté, pour retirer les photos. Le photographe ne faisait jamais de commentaires. Par gentillesse, ou par discrétion commerciale, je ne sais pas. Pour un peu, on aurait pensé qu'il les avait développées et tirées en aveugle. Nos sages clichés d'amateurs, rangés dans leur pochette, elle-même rangée dans les habituelles boîtes à chaussures, refuge ultime de la photographie familiale. Ceux qui en avaient le goût composaient des albums, déclassant/reclassant le contenu des pochettes, celles-ci rapidement orphelines des meilleurs tirages (ou des moins mauvais...). On pouvait bien sûr faire faire des retirages, mais c'était beaucoup de tracas pour pas grand chose. Ce qui comptait, c'était le moment de la prise de vue, la main sur le déclencheur "ne bougez plus !", et l'autre moment magique à l'ouverture de la pochette, fragile, vite déchirée, révélait le peu qu'il y avait à voir. Moments incomparables, que ceux qui n'ont connu que le numérique ne peuvent même pas imaginer. Mes boîtes à chaussures de photographies familiales sont pleines de pochettes que les manipulations plus ou moins maladroites ont déclassées et vidées. Les clichés ne correspondent plus aux négatifs qui les accompagnent. Les années 30 sont mélangées aux années 50, 60. Les pochettes les plus récentes ne sont pas très belles, sans recherches graphiques. Toutes sont incomplètes, comme le sont les albums en simili-cuir. Les images des photographiés disparaissent avec eux. Au fil des années et des prélèvements successifs, le patrimoine photographique des familles se vide, s'anonymise, jusqu'à devenir un squelette sans nom, ni lieu, ni date. Le numérique n'a rien arrangé. Les photos d'aujourd'hui, cachées dans nos ordinateurs, sont aussi, sinon plus, fragiles que ne l'étaient nos clichés argentiques, rangés dans leurs pochettes de papier, à l'enseigne des grandes marques de matériel photographique disparues.

 

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04/07/2012

Archéologie (6)

Je n'oublie pas d'où je viens. C'était des petits commerçants-artisans. Mon arrière grand-père, vers 1880, tenait un café misérable dans un hameau de quelques dizaines d'habitants. Il se disait "cabaretié". Sa clientèle était essentiellement composée de paysans descendant au chef-lieu, et en revenant, qui faisaient halte chez lui pour boire une fillette de vin blanc accompagnée de pain et de fromage. Il vendait quelques produits de la ferme, si peu de choses. Son livre de compte fait état des dettes laissées par des consommateurs aussi pauvres que lui. L'hiver, il tissait le chanvre. Sa fille Rosalie, ma grand-mère, a ouvert un café dans le village de son mari, distant de 5 km. Elle avait 22 ans, déjà mère de 3 enfants. Mon grand-père était voiturier, activité qui ne lui a pas porté chance. Trop de haltes dans les cafés le long de ses parcours quotidiens, et la mort à 42 ans, le foie détruit. Cela se passait 2 ans avant la déclaration de la guerre de 14-18.

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02/07/2012

La polinte

Le samedi soir, en hiver, après la semaine d'internat, ma mère préparait la polinte. Il fallait remuer  longtemps à la cuillère en bois la pâte jaune, en essayant d'éviter les éclaboussures brûlantes. La polinte se mangeait d'abord chaude, avec du lait froid cru. C'était très bon tant que la polinte restait chaude et le lait froid. Moins bon quand les deux devenaient également tièdes. On terminait l'assiette de polinte avec de la tomme, quelquefois de la gelée de framboises. Mon père n'aimait pas que l'on utilise du lait bouilli, car alors ce mets rustique n'avait plus le même goût. Les nourritures de l'enfance, à jamais présentes, à jamais perdues.

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16/06/2012

Mondes disparus

Des mondes disparus. Les fêtes religieuses, Rogations, Fête-Dieu. Celles où l'on décorait les grandes croix disséminées dans la paroisse. Draps blancs, bouquets de fleurs des champs, et la procession faisait halte devant chaque croix, chants et prières. Celles où les enfants, munis de petits paniers garnis de toile blanche et de dentelles, lançaient des pétales de roses sur le sol de l'église. Toujours chants et prières. Et celle (la même ?) où les paysans amenaient à l'église des croix formées sommairement de 2 bâtons écorcés, pour les faire bénir avant de les planter dans leurs cultures. Chants et prières. Monde disparu. En quelques décennies, sous mes yeux, changement total de civilisation. Tout a changé : les modes de vie, les mœurs, le confort, l'activité, les communications. Qui a besoin maintenant de faire bénir des croix protectrices alors que les bois et les broussailles envahissent les terres autrefois cultivées ou paturées ? Et les crucifix aux carrefours des chemins s'effondrent les uns après les autres. Seul le clocher continue à égrener les heures, mais c'est la mairie qui fait entretenir le mécanisme de l'horloge. L'église, fermée, ne résonne plus de chants et de prières, plus personne ne les connaît, sauf quelques vieilles qui ni ne chantent ni ne prient ensemble. Quelques traces survivent dans ma mémoire, des bribes de souvenirs, peu fidèles, je crois. Je ne regrette que l'atmosphère festive, joyeuse et la grâce de l'enfance, confiante, tellement confiante. Et tout de même, l'odeur suave des pétales de roses...


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