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31/03/2012

Les lettres

Les vraies lettres, écrites sur du vrai papier. Enveloppes. Timbres. Un rituel de mots, de formules de politesse, d'affection, d'amitié. Le choix du papier, du stylo. On offrait facilement dans ma jeunesse des boîtes de papier de correspondance, en "vélin" crème aux enveloppes assorties. On offrait aussi, dans les grandes occasions, des pochettes en cuir, destinées à recevoir le petit matériel d'écriture. J'ai aimé, à l'adolescence, utiliser des vieilles ramettes de papier un peu jauni, abandonnées lorsque le format officiel du papier a changé. Les lettres qu'on écrivait presque en cachette, et plus importantes encore, celles qu'on recevait. Il y avait une légère excitation dans l'attente du passage du facteur, souvent suivie d'une déception. Rien au courrier aujourd'hui... Les amis n'avaient pas tous la fièvre écrivassière, et rechignaient à réunir papier, stylo, enveloppe, timbre, et encore plus à s'astreindre à cet exercice, maintenant oublié, de la communication lente. Que dire en premier, comment exprimer au plus juste les événements, les émotions... Il y avait comme un protocole de l'expression écrite. S'épancher, oui, mais pas trop. S'exprimer, oui, mais à demi mots. Une certaine réserve s'imposait, ne serait-ce qu'à cause des indiscrétions possibles. Ne pas tout dire, peser ses mots, trier, chercher la bonne expression. Beaucoup de ferveur quelquefois déguisée sous des plaisanteries, qui en disaient long sur l'état du scripteur. Je te dis ça, mais ne le prends pas trop au sérieux. Humour léger, pour ne pas donner à la lettre un ton trop plaintif, trop pesant. Car écrire une lettre, c'était aussi pour dire que la vie n'était pas très drôle, que l'on s'ennuyait, ou que l'on se sentait mal aimé. Écrire une lettre, c'était aussi raconter par le menu une vie en elle-même assez terne, comme pour lui donner du relief. Il ne se passait rien, mais de ce rien on pouvait tirer au moins deux pages de confidences. Je regrette un peu la mort de la correspondance. Je regrette que la facilité des mails et des textos nous ait fait perdre ce moment particulier de l'écriture d'une lettre. Le temps où l'on disait, comme chez les romancières anglaises, "j'ai du courrier à faire", ce qui était une façon de se mettre à l'écart. Ce temps où l'on s'appliquait pour tenter de dire de façon juste ce que soi-même on ne comprenait pas très bien. Finalement, pour qui écrivait-on ? Pour le destinataire ou pour soi ? Les lettres nous trahissaient, non par ce qu'elles disaient explicitement, mais par ce qu'elles laissaient entrevoir, que nous ne savions pas dire. N'est pas épistolier patenté qui veut ! Le contrôle de la lettre demandait une longue pratique. Tout cela est perdu, corps et biens. Plus de lettres. Plus de communication lente. Plus d'enveloppes lourdes de messages rangées dans le tiroir du bas de la commode ou dans une boîte à chaussures. Je suis émue, aujourd'hui, quand je relis ce mot envoyé par une de mes tantes, se plaignant que quelqu'un de sa famille " ne sait pas soigner", ou quand je retrouve un paquet d'enveloppes vides, seul témoin d'une correspondance détruite. Mais la destinataire a conservé les enveloppes, faible souvenir mais souvenir tout de même. Les lettres font partie des souvenirs. Les mails et les textos d'aujourd'hui se dissolvent dès qu'écrits et envoyés. Il faudra construire l'échafaudage des souvenirs sur d'autres choses. On se souviendra, plus tard, de la vélocité des doigts sur les claviers minuscules, de l'instantanéité des échanges, qui donnent à penser que l'on est ensemble même si séparés. Les contenus, les formes de l'échange, les abréviations, les mots en phonétique, feront partie de... De quoi, en vérité ? Plus de supports, plus d'existence réelle. Comme la pratique de la correspondance, les mails et textos disparaîtront aussi. Après être passé du relativement rare à l'abondance, nous vivrons d'autres formes d'échanges. Lesquelles ? Suspense....

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29/03/2012

Tap tap

Entendre le tap-tap des balles sur le cours de tennis. Quel bruit insupportable. Le cours était occupé toute la matinée par les mêmes personnes, un couple de rentier qui avait deux autres occupations, moins désagréables que le tennis : pour elle, la broderie (mais je ne l'ai jamais vu broder, elle s'enfermait tous les après-midi dans sa chambre) et pour lui, la pêche. Il venait ranger ses prises dans la chambre froide, et mon frère, le cuisinier, devait les préparer à la demande. Je déteste le tennis, je n'ai jamais joué au tennis. Ce tap-tap monotone, pendant les 3 mois d'été, accompagnait toutes nos matinées. Le soir, il fallait arroser le cours, passer le rouleau, nettoyer les bandes blanches. Les enfants avaient le droit de récupérer les balles usagées. Mais on ne jouait pas au tennis avec. De toutes les façons, le cours nous était interdit.

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21/03/2012

Se soigner

Autrefois (mon autrefois à moi, sans doute commun à tous les gens de ma génération), se soigner relevait de moyens assez simples : la farine de lin ou de moutarde en cataplasmes, en cas de refroidissement. Le bleu de méthylène contre les maux de gorge. Le Criptargol pour soutenir les intestins défaillants, et aussi le Bactysuptil, absolument infect. Le liquide tiédi (lait, huile ?) imbibant le coton à mettre dans les oreilles douloureuses. Et je cherche le nom de cette potion miracle qui remettait en place le système digestif le plus détraqué... La Formocarbine aussi, le charbon crissait sous les dents, il fallait vraiment se sentir mal en point pour se décider à mâcher ces granulés noirs. Contre les coups, l'arnica et les fleurs de lys macérées dans l'alcool (mais se servait-on des fleurs elles-mêmes ou du liquide ?). Contre les vers, les petites pilules de Calomel. Et contre les maux de têtes, les cachets de Kalmine (large consommation de ma mère migraineuse). Assez peu de tisanes miraculeuses, mais des "fumigations", je ne sais plus avec quel produit (me revient à l'instant l'image d'une petite boîte ronde contenant des cristaux de menthol). Les panaris étaient soignés par des bains d'eau chaude javelisée... C'était une pharmacie pauvre, d'efficacité moyenne, mais moins destructrice que les nouveaux médicaments d'alors, les sulfamides, dont deux de mes soeurs ont cruellement pâti. Et puis est arrivée la pénicilline, à laquelle plusieurs d'entre nous doivent la vie. Mais c'était alors affaire du médecin. La pharmacie de ma mère était si restreinte qu'elle aurait pu tenir dans une boîte à chaussures.  

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15/03/2012

Les actualités

Les informations (on ne disait pas les "infos") nous parvenaient par la TSF. Le gros poste (et son voyant vert en forme d'éventail qui clignotait aux changements de fréquence) n'avait guère d'autre utilité. La réception n'était pas bonne, le son crachotait, sifflait, c'était plus agaçant que plaisant. Mais à l'heure des informations, pour ne ajouter à cette confusion sonore, les enfants devaient se taire. Pendant longtemps, j'ai détesté l'heure des informations à la radio, heure qui ne revenait, me semble-t-il, que trois fois par jour, l'actualité était moins pressante qu'aujourd'hui. Complémentaires de la radio étaient les actualités au cinéma. Il fallait aller au chef-lieu, où le cinéma "le Foyer", tenu par des bénévoles, je crois, nous offrait ces fameuses projections des actualités de la semaine. Nous n'allions pas au cinéma très souvent, plutôt en hiver, et seulement si le film était pour tout public, ou recommandé par le Pèlerin ou la Vie. La salle était tapissée de panneaux d'agglomérés de quelque chose qui ressemblait à de la paille, simplement peints en blanc. On racontait qu'un crépi était prévu, mais qu'on avait préféré conserver les panneaux en l'état parce qu'ils donnaient une bonne acoustique à la salle. Vrai ? Je ne sais pas. C'était un cinéma assez pauvre, une ou deux séances par semaine. Pour mon père, le seul intérêt du déplacement résidait dans ces fameuses actualités. Visions rapides de catastrophes, mariages et couronnement royaux, ce dont mon père se fichait, déclarations pontifiantes des hommes politiques. Hormis les princesses et les reines, peu de femmes à l'écran, sauf si l'une d'elles s'était illustrée par un exploit, de préférence sportif. Ces images distillées au compte-goutte marquaient les mémoires. Je me souviens de New-York dans les glaces, des inondations en Hollande, des soeurs Dionne, du couronnement de la queen, des présidents de conseil bedonnants, de Vincent Auriol et de sa fille Jacqueline aviatrice, de René Coty et de sa femme dont on ne disait pas qu'elle était la première dame de France, ce qu'elle n'était pas du tout, de toutes les façons. Le début de la séance était annoncé par une sonnerie assez semblable à celle des passages à niveau de ce temps là, grêle, un peu désolante. Nous arrivions au cinéma jamais complètement en retard (on aurait raté les actualités,  impensable, autant ne pas se déplacer !) mais jamais en avance non plus, donc juste au moment de la sonnerie, quelques minutes avant le noir.

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