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25/08/2011

Mes (vieilles) maisons

Avoir habité dans son enfance des grandes maisons aux entrées multiples est une chance. Ces 3 maisons, où j'ai vécu longtemps, avaient chacune au moins 4 entrées, permettant une circulation quasi magique dans ces grands bâtiments où il était facile de jouer à cache-cache, surtout la dernière, car une porte donnait sur des couloirs traversant d'autres immeubles voisins. Un petit labyrinthe, un peu effrayant le soir car peu éclairé. Les années 50 étaient chiches de lumière. Les planchers résonnaient de galopades, de cris, malgré les interdictions répétées. Après ces maisons, j'ai eu beaucoup de mal à m'adapter aux appartements de ville... d'ailleurs, non, je ne m'y suis jamais habituée. Je garde un goût très vif pour les escaliers intérieurs débouchant sur des niveaux extérieurs différents selon les étages, pour les pièces perdues, les sous-escaliers, les cachettes dans les greniers, les portes de communication permettant des trajets sans cesse renouvelés, les jacobines dans les galetas obscurs. Les maisons où il est si facile de disparaître, pour échapper aux surveillances parentales. De quoi se perdre, de quoi s'inventer d'autres vies.

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24/08/2011

La Lavalette

Après les bibliothèques de classe, il y eut la bibliothèque Lavalette, dans la rue du même nom. C'était sans doute une bibliothèque privée (mais je n'en suis pas sûre). Le prêt était payant, quelques centimes de francs (anciens !) par livre. Cela ne devait pas être très cher, même pour moi lycéenne sans véritable argent de poche, sauf ce qu'il fallait pour prendre le car le samedi soir (à cette époque, nous avions cours tout le samedi). J'allais rendre mes livres et en prendre de nouveaux tous les jeudis après-midi. Je crois qu'on pouvait prendre autant de livres qu'on voulait. J'ai connu, dans cette petite bibliothèque encombrée, mes plus grandes joies de lectrice dévoreuse d'écrits en tous genres, sans aucune hiérarchie. J'ai lu le pire de la littérature populaire, sans doute pas le meilleur, quoique... Je choisissais sur la foi de la couverture illustrée (les livres n'étaient pas reliés en vert sapin ou en noir, comme dans les premières bibliothèques parisiennes que j'ai fréquentées plus tard, et où je n'avais aucun repère : je me souviens qu'à ma première visite à la bibliothèque du 5ème arrondissement, vers le Panthéon, j'avais emprunté Mauriac et Maurois, incapable que j'étais de m'y retrouver dans ces masses sombres). Donc pour en revenir à Lavalette, je n'avais pas de critères de qualité. Il me fallait du passionnant, des histoires, amour, aventures, policier... Je rigole doucement aujourd'hui quand on se désole des mauvaises lectures des adolescents. C'est comme ça que le goût de la lecture se forme, et mes mauvaises lectures (qui ne m'ont laissé aucun souvenir) ne m'ont pas empêchée de découvrir Proust, à 18 ans, grâce à une lecture radiophonique, et j'entends encore avec précision la voix du lecteur. La bibliothèque Lavalette était chauffée par un énorme poêle à charbon, qui dégageait une odeur bizarre et très prégnante. On circulait mal dans cet espace réduit et encombré, il y régnait un silence presque absolu, la bibliothécaire ne levait jamais la tête de ses grands registres. On était seul dans cette bibliothèque, seul, mais avec les livres.

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23/08/2011

La boîte à boutons

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Je l'avais oubliée. Elle est restée longtemps en haut du buffet de la cuisine. Plus personne ne l'utilisait car les boutons qu'elle contenait (qu'elle contient encore) étaient dépareillés et démodés. Enfant, j'ai souvent joué avec ces boutons, j'aimais leurs formes, leurs couleurs. Un jour, en entrant dans la lingerie, je l'ai vue, derrière des piles de draps. La lingère me l'a donnée en souriant. Je n'ai pas osé réclamer aussi le corbillon en tôle peinte, celui qu'utilisait ma grand-tante lorsqu'elle venait les après-midi d'hiver, pour ravauder les chaussettes de la famille. Je la regardais manier l'oeuf de bois, et repriser, dans des tons pas toujours appropriés, un fil dessus un fil dessous, des heures durant. Depuis, le corbillon a dû être jeté.  

Les pièges de la vie comme elle va

Je m'interroge, en bonne vieille tortue que je suis. Pourquoi devient-on de plus en plus maniaque en vieillissant ? Pourquoi tant d'attachement à des broutilles ?

Je constate mes petites habitudes, encore assez innocentes : déjeuner avec tel bol, pas un autre, telle cuillère, etc... Quand les préférences naturelles, et légitimes après tout, deviennent des maniaqueries qu'on impose aux autres, ça devient plus compliqué, parce que c'est insidieux, que ça pourrit la vie, sans qu'on le sache. Avec l'âge, on perd l'insouciance et l'optimisme (je ne dis pas l'insouciance et l'optimisme des jeunes, car être jeune n'est pas être insouciant, encore moins optimiste !). Mais on est davantage enclin à voir derrière tous les événements quotidiens, petits ou grands, les dangers possibles. Donc à s'inquiéter de tout... Les petites maniaqueries se sont installées pour rassurer, par leur répétition immuable. Les poussières faites, l'ordre sacré des courses. La préparation des repas ritualisée. Les gestes méticuleux de la vaisselle, qu'on n'abandonne à personne d'autre. Pire, le repassage. Plier le linge toujours de la même façon, pour la régularité des piles dans l'armoire. Repasser même les caleçons ou les slips. Impensable de ne pas faire les lits... Tout ça pas pour la beauté des choses, je pourrais comprendre ! Non, c'est une fin en soi. Une énergie mobilisée pour... rien. Mais nous a-t-on appris qu'il pouvait y avoir une autre vie ? Car en arrière plan, j'entends l'écho d'une éducation où l'ordre est une valeur en soi, où les armoires impeccables priment sur la main tendue, la lecture ou la promenade. Les années n'effacent pas ce substrat pourtant desséché. Il en reste des traces déformées, sous formes de manies stériles. De peu d'importance quelquefois, presque invalidantes d'autres fois, toujours agaçantes pour l'entourage. On y perd légèreté et temps libre, ce précieux temps de loisir dont parlait Yu Li dans ses Carnets, condition de la liberté d'esprit et de la liberté tout court.